On entre toujours dans la salle avec un certain à priori après avoir lu le synopsis assez sommaire d'un tel film. Un agent d'élite américain chargé d'exfiltrer un indonésien n'ayant plus rien à perdre, maitrisant les arts martiaux à la perfection, sur un chemin de 22 miles clairsemé de joyeux lurons tentant de leur mettre des grenades dans les roues. On s'apprête presque à prendre le film au second degré en se disant qu'il n'est que la réplique d'une inénarrable enfilade de films américains pas vraiment subtils. Or, dès la scène d'ouverture, la machine se met en marche et fonctionne curieusement bien.


Le réalisateur Peter Berg nous plonge immédiatement dans une ambiance anxiogène qui démarre pourtant sur un habile leurre visant à dérouter le spectateur ainsi que l'ennemi dans la diégèse. Derrière la quiétude d'une chic banlieue pavillonnaire américaine se cache un armada à vous défriser le brushing : un moyen subtil de vous faire comprendre que les Etats-Unis ne sont pas aussi lisses que la façade qu'ils tentent de se constituer. Le montage alterné entre le poste de commande, l'intérieur de la maison ainsi que le sniper positionné derrière, contribue à mettre en place la véritable clé de voute de ce film : Le rythme, dans une scène d'ouverture qui remplit tous les critères qu'on attend d'elle. C'est la qualité première que je reconnais à ce film qui réussit, selon moi, le pari de faire voyager notre regard au coeur de l'action en rendant la violence, la tension de chacune des scènes presque palpables. Ceci est rendu possible par la manière qu'a Peter Berg de placer sa caméra : à fleur de peau, sur le terrain, au milieu des secousses de l'explosion, avec une texture d'image qui n'est pas sans rappeller les grandes heures de la saga Jason Bourne.


L'intensité des scènes d'actions qui structurent ce film à 90 %, portée par des acteurs immergés dans les fumées du combat (si l'on met de côté un discret John Malkovich en converses) est louable et nous fait réaliser qu'il ne faut pas prendre ce film pour ce qu'il n'est pas : il s'agit avant tout d'un exercice esthétique sur le mouvement, le rythme, l'action. Cependant, il serait dommage de négliger l'aspect critique, l'axe ironique centré sur une société américaine qui s'essouffle et se prend parfois à son propre piège comme nous le fait remarquer le twist end final, pour le coup, assez surprenant.


Il faudra faire abstraction de la facilité de certaines scènes débordant parfois vers des extrémités assez caricaturales, qui ne sont heureusement pas aussi nombreuses que ce à quoi nous nous attendions, pour pouvoir profiter pleinement de cet exercice de style intéressant et plutôt captivant. La singularité de ce film réside donc dans sa capacité à éviter les pièges récurrents généralement tendus à ce genre de films qui basculent malheureusement très vite dans le dérisoire, le second degré, voire même le ridicule et perdent alors toute crédibilité, tout effet de réel. La rigueur de la réalisation de Berg permet à ce film d'acquérir une noirceur qui ne laisse pas indifférent le spectateur, et ne lui donne pas l'impression d'avoir perdu son temps. C'est un long-métrage qui, selon moi, redonne ses lettres de noblesse au film d'action et prouve qu'il s'agit d'un style dense pouvant être sans cesse renouvelé à condition d'être bien employé en constituant le lieu d'expression d'une mise en scène intéressante adoptant parfois les formes d'une leçon de cinéma.


Pour les amateurs d'adrénaline et de mouvement cinématographique, déplacez-vous! Il y aura bien moins de 22 miles à franchir pour vous rendre au cinéma le plus proche et vous en ressortirez avec un regain d'énergie et des idées de mise en scène plein la tête.

HugoDavenne
7
Écrit par

Créée

le 5 sept. 2018

Critique lue 6.1K fois

5 j'aime

1 commentaire

Hugo Davenne

Écrit par

Critique lue 6.1K fois

5
1

D'autres avis sur 22 Miles

22 Miles
titiro
6

35 km 406

Prenez un shaker, mettez une poignée de Tony Scott, une cuillère de Paul Greengrass, et un zeste de Michael Bay, et vous obtiendrez Peter Berg. Tout ça pour dire que Peter Berg fait partie de ces...

le 5 sept. 2018

19 j'aime

9

22 Miles
Dagrey_Le-feu-follet
5

Agent triple

Dans la banlieue d'une ville américaine, le groupe commandé par James Silva investit une maison dans laquelle sont planqués des agents russes. Les russes sont tous tués. Plus d'un an après, dans un...

le 30 août 2018

11 j'aime

22 Miles
gruute
5

22 miles par heure (plutôt au bout d'1 heure)

Aargh, déception : la 4e réunion Peter Berg - Mark Wahlberg ne fait pas autant d'étincelles que les précédentes... Non pas que le problème vienne de Mark (au contraire, il montre encore une nouvelle...

le 16 sept. 2018

11 j'aime

18

Du même critique

Appel inconnu
HugoDavenne
10

Percutant!

L'idée est assez classique en soi mais néanmoins efficace. Un bon père de famille banquier entamant sa routine matinale en quittant sa villa d' un riche quartier espagnol pour s'engouffrer dans sa...

le 5 août 2018

5 j'aime