Je ne connaissais ni le réalisateur ni les acteurs, mais étant donné que ce film était hautement recommandé par certains de mes éclaireurs et étant intriguée par le synopsis, je n'ai pas hésité à l’enregistrer et à le voir le lendemain ! Wouah, ce fut une belle claque !


D'abord le cadre n'est pas classique : c'est du 1.33, cadre carré (utilisé dans le cinéma des années 50) et resserré donc, qui fait qu'on se sent en proximité avec les personnages.
Le film bénéficie aussi d'une mise en scène originale : il est construit en chapitres comme un conte qu'on nous raconte. D'ailleurs, les personnages aussi nous racontent cette histoire, chacun à leur tour. Ils n'hésitent pas à briser le quatrième mur en faisant des monologues face à la caméra. Selon le réalisateur Sébastien Betbeder, le but est d'impliquer encore plus le spectateur dans le film.


Disposant d'un budget très limité pour faire un long-métrage, le réalisateur, en accord avec son producteur, a décidé d'utiliser les méthodes de financement inhérentes au court-métrage : "Je ne voulais pas être contraint sur le choix du casting, ni sur les modalités de tournage. On a décrété que le film, malgré son ambition, était finançable de cette manière. Surtout, nous avions cette volonté de n'avoir aucun compte à rendre, d'aller au bout d'une envie, de ne pas perdre cette impulsion première. Ce désir d'urgence, de tourner rapidement, semblait difficilement compatible avec les conditions de production d'un long métrage, surtout dans l'époque agitée que nous traversons."
On sent bien dans le film ce côté artisanal, plein de spontanéité qui fait tout son charme.


Le film raconte l'histoire de constitution d'un couple : celui d'Arman, trentenaire un peu paumé, un bobo, mais plus bohème que bourgeois, et d'Amélie, quelques années de moins, qui se cherche également. On suit également un deuxième couple, celui de Benjamin, le meilleur ami d'Arman et de sa copine, Lucie.


La première rencontre entre Arman et Amélie est un choc, au sens propre comme au sens figuré, puisqu'ils se foncent l'un dans l'autre, alors qu'ils font leur jogging aux parc des Buttes Chaumont.
Puis, Arman va se montrer le sauveur d'Amélie, la libérant des griffes de deux agresseurs; il recevra un coup de couteau dans le ventre à cette occasion. Dès lors, l'amour va naître dans ces cœurs sensibles.
Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille et le couple va connaitre certaines phases de crise, menant même jusqu'à la rupture.. De plus, leur ami Benjamin est victime d'un AVC ce qui va entraîner certaines questions existentielles chez lui, et par ricochet sur le couple d'Arman et d'Amélie.
Benjamin croise également certaines personnes désespérées comme ce cousin qui veut mettre fin à ses jours suite à une rupture amoureuse ou cette sœur aux mains d'une secte qui fuit la maison familiale.


Le film de Sébastien Betbeder revient beaucoup sur la perte de repères sociaux et sentimentaux propre à ces trentenaires du XXIème siècle. A ce sujet, le cinéaste explique que "nous aimons différemment en 2013, nous pensons différemment la mort. Nous sommes de moins en moins insouciants. Tout cela est troublant, angoissant parfois." (source : Allociné)


Les thèmes de la fugacité du sentiment amoureux, de la fragilité de la vie sont, je trouve, admirablement bien traités. Le style, qui mêle avec brio humour (éclats de rire, grotesque, ou burlesque parfois) et tristesse, fait que cette chronique sentimentale n’a rien de banal, puisqu’elle est question de vie ou de mort.


De plus, les acteurs : Vincent Macaigne (Arman), Maud Wiler (Amélie), Bastien Bouillon (Benjamin), Audrey Bastien (Katia) et Pauline Etienne (Lucie) sont saisissants de naturel.
Vincent Macaigne, avec sa calvitie débutante, ses cheveux long, son look débraillé et son phrasé tout en douceur et malgré tout gouailleur, est très touchant.


Les références culturelles sont elles aussi très générationnelles : on voit des extraits de films d’Alain Tanner, d'Eugène Green ou de Judd Apatow. On écoute Michel Delpech, Joy Division et Fleet Foxes.
Le film est également caractéristique d'une époque par les références au quotidien contemporain : on fait ses courses au Simply Market et chez Go Sport, on boit des leffes au bar, on regarde Koh Lanta à la télé, on va voir une expo d'Edward Munch à Beaubourg.


La richesse des dialogues, l'étude des sentiments amoureux, les références culturelles me font indéniablement penser à Eric Rohmer, mon réalisateur fétiche. Je ne pouvais donc que déguster ce film.


J'ai hâte de retrouver Vincent Macaigne dans "Les deux amis" et dans "La Bataille de Solférino", de Justine Triet, dont le film fut également présenté à Cannes la même année (2013) dans la programmation de l'ACID (association créée en 1992 qui promeut la distribution en salles de films indépendants et encourage à ce que le public et les créateurs des films puissent se rencontrer).

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le 1 nov. 2015

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