2 Jacks
2 Jacks

Film de Bernard Rose (2013)

Bernard Rose, Bernard Rose quoi, le mec qui a fait Candyman ! Un de mes films d'horreur favoris ! Bon je me doutais que Two Jacks ne serait pas de la même trempe, pas du même genre, et pas d'une même ampleur du côté du budget. J'ai vu l'affiche et ça faisait pas trop envie, mais Bernard Rose, voilà. Et puis j'avais rien d'autre à voir à cette heure de l'après-midi.

Le film démarre avec une esthétique assez spéciale, que j'apprécie pas trop, qui consiste à avoir une image en noir et blanc avec quelques nuances de couleurs assez ternes par endroits. J'ai cru que c'était pour un flashback de début. C'était pour tout le film. Du moins, je l'ai cru jusqu'à la moitié du long-métrage, quand on passe au présent.
Au moins, ce choix esthétique atténue la surexposition de certaines zones de l'image... hrm... mais le but de départ est clairement de faire penser à une époque passée, sans avoir à trop se fatiguer pour changer les décors. D'ailleurs, quand on passe à la seconde partie du film, ils n'ont absolument pas changé, malgré les (j'imagine) 20 ou 30 ans écoulés. Il y a aussi un personnage qui, contrairement aux autres, n'est pas interprété par un acteur différent selon les époques, et n'a pas pris une seule ride tandis que les autres sont morts ou ont sévèrement vieillis.

Le changement colorimétrique de la post-prod n'est pas le seul problème à l'image. La caméra tremble, il y a une mise au point ratée à plusieurs reprises, les mouvements de la caméra qui suit un couple qui danse sont horribles, des amorces tout au bord du cadre qui sont comme des intrus dans le cadre, ... Je sais pas pourquoi, au passage, mais il y a de nombreux plans en contre-plongée sans que ça corresponde forcément à quelque chose.
Lors de la première séquence, dans un aéroport, en 5mn il y a deux plans qui se succèdent, avec un long dialogue filmé dans un seul axe. Comme le reste du film n'est pas ainsi, j'imagine qu'au vu du lieu, l'équipe avait peu de temps pour tourner...
Quand le film se montre plus varié concernant les plans, le découpage s'avère bien mauvais. Au début du moins, après ça s'améliore, ou alors je n'ai plus fait attention.
Il y a quand même des problèmes qui persistent : des plans uniques sur un personnage lors d'un dialogue durant lesquels ont meurt d'envie de voir le contrechamp de l'interlocuteur, et à l'inverse une scène avec trop de champs-contrechamps pour une simple histoire d'échanges de regards entre le personnage principal et une femme. Au bout de 2 on a compris, quoi, et puis même si Sienna Miller a un décolleté dingue, il aurait fallu couper pas mal de ces retours sur les personnages.
Le mixage son, il est chaotique lorsque deux conversations se tiennent en même temps par des duos d'interlocuteurs qui sont les uns à côté des autres, car les deux discussions s'emmêlent. Il y a aussi des problèmes de bruitages qui s'arrêtent trop tôt, comme lorsque le vibreur d'un téléphone s'arrête alors que le personnage, en train de conclure avec une femme, dit que son portable n'arrête pas de vibrer et qu'il est obligé de décrocher...

Ce que je peux trouver de positif, c'est que le film possède des décors pas mal comportant des posters sympas pour certains, et que la lumière et les couleurs dans la scène de baise en voiture est vraiment bien.
Il y a quelques stars au casting aussi : Billy Zane, Sienna Miller, et Jacqueline Bisset (que je n'ai pas reconnu), et honnêtement même les acteurs inconnus dans ce film jouent tous bien.
Sinon j'ai l'impression que "Two Jacks", c'est le résultat obtenu par le personnage de réalisateur désabusé dans ce film, l'air complètement à l'ouest et à la paille sans oser le dire, qui se dégotte un inconnu rencontré par hasard comme producteur, et à qui un vrai producteur, qui a plutôt l'air d'un gros mafieux avec sa table de poker et ses putes qu'il reconvertit en actrices, dit qu'il va "never work again" dans cette ville.
En tout cas il est flagrant que Bernard Rose, qui s'avère être scénariste aussi sur ce film, a écrit en se basant sur du vécu.
Il essaye de montrer le milieu du cinéma en dehors des tournages, ce qu'il se passe avec les acteurs, les wannabe-producteurs, les types qui te disent "je te donne de l'argent si tu fais jouer ma femme", les réalisateurs en devenir ou ceux déchus. Mais je n'ai trouvé aucun intérêt dans l'intrigue.
C'est très vain, il y a une soirée où il ne se passe presque rien, si ce n'est qu'on voit des gens danser assez longtemps, pour meubler le film, ou juste parce que Bernard a dû voir une danse russe ou des artistes danseurs dans la vraie vie et s'est dit "c'est pas mal, je devrais mettre ça dans un film".
Ce qui est sûr, c'est que Bernard Rose n'est pas un bon scénariste. Il y a des illogismes, avec un mec qui dit du personnage principal qu'il fait de bons films mais que personne ne va les voir, alors qu'absolument tous les autres personnages savent qui il est. On a même droit à la scène classique du flic qui oublie les infractions parce qu'il reconnaît une star.
Le statut de célébrité du fils de ce personnage n'est pas très clair non plus, on a l'impression que c'est un jeune réalisateur débutant, mais il y a quand même une boîte de production qui lui paye une suite pour 3 mois dans un hôtel, pour un tournage.
Si on réduit le film à l'essentiel, ça parle de vies futiles chez des gens gâtés ; j'ai pensé un peu à Californication à un moment, sans le fun, et avec un personnage tout aussi vieux mais moins charismatique. Et à la fin il doit y avoir une sorte d'épiphanie pour un personnage, enfin je pense que c'est l'intention derrière la dernière séquence, mais je ne vois pas quelle réflexion le personnage a pu tirer des évènements du film, dont je me suis totalement désintéressé dans la dernière demie heure.

Je suis resté jusqu'à la fin parce que je n'avais rien d'autre à foutre, aucun autre film de prévu à voir. Et puis j'ai pu voir une sorte de strip-tease sans strip-tease, où une femme commence et finit son show dans la même petite tenue, et est choisie comme actrice principale d'un film juste pour son petit numéro. C'est sûr, à remuer son cul comme ça, elle a montré ses talents d'actrice ; Bernard Rose connaît assurément bien plus le cinéma que moi, mais je veux pas croire que ça se passe comme ça, surtout quand on voit la réalisation du personnage de réalisateur, sincèrement impressionné, comme si la fille avait montré de vraies compétences.

Two Jacks est quand même intéressant à voir, en un sens (j'essaye de tirer du positif de cette expérience), parce qu'il montre ce que le système peut faire à un réalisateur autrefois reconnu, comme il peut être vidé, en étant dépourvu d'une équipe compétente, d'un budget suffisant, et d'un bon scénario. Enfin je me demande qui s'occupait de son découpage avant, ou qui le corrigeait, parce qu'à voir celui de Two Jacks...
C'est triste à voir quand même. Et il n'y a qu'aux USA qu'un truc pareil peut se passer, parce qu'on peut plus facilement mettre ce qu'on veut sur le marché ; en France un projet similaire ne pourrait pas voir le jour, il n'y aurait simplement pas de place pour lui.

... merde, mais Candyman c'était tellement génial ! J'ai vérifié sur IMDb, et c'est bien du même Bernard Rose qu'on parle. Il y a deux ans, Bernard a fait "Mr Nice", je sais pas ce que ça vaut, mais ça avait quand même plus de gueule que ce "Two Jacks", qu'est ce qu'il s'est passé ?
En plus le film n'est pas si horrible que ça, si ce n'est techniquement ; c'est juste qu'il est dénué d'intérêt selon moi.


(Cannes #3)
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le 18 mai 2012

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Wykydtron IV

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