De Ted Kotcheff on ne connait pratiquement que le Rambo first blood ou encore le Réveil dans la terreur dans une filmographie d'une petite vingtaine de films! Grave erreur en ce qui concerne cet injustement méconnu North Dallas Forty qui sous ses airs de ne pas y toucher a beaucoup de choses à dire....


Souffrant immanquablement de la comparaison avec L'enfer du dimanche d' Oliver Stone, 40 hommes à abattre, solide sur les appuis, arrive finalement à prendre une place non négligeable dans ce qu'on appelle les films de sport! Mais il allait de soi que, plus qu'un film sur le sport national et la toute puissante NFL, l'oeuvre de Kotcheff représente aussi et surtout une charge au vitriol contre la société américaine dans son ensemble à travers cette équipe d'une 40 aines de mâles bien testostéronés. Refusant dans un premier temps d'adapter le roman, en partie autobiographique, de l'ancien receveur des Cowboys de Dallas, Peter Gent, le réalisateur se retrouve tout ouïe lorsque les producteurs de la Paramount lui laisse quasi carte blanche....Ce sera donc l'histoire de cette équipe à quelques semaines de jouer le dernier match décisif pour le titre...


Prenez donc 40 mecs vivant les uns sur les autres pendant une saison et vous n'aurez pas un effort surhumains à effectuer pour imaginer ce que cela peut donner! Plus qu'un vestiaire qui sent le poney (ne riez pas mesdames, car le mythe du vestiaire féminin qui sent la rose à disparu depuis bien longtemps), c'est surtout un haut lieu de culture, de poésie et de raffinerie où le concours de celui qui a la plus longue (au figuré, du moins dans le film) est quasi quotidien...Bref, la splendeur du mâle! Mais également un lieu très hiérarchisé possédant comme toute micro société des codes qui lui sont propres (On n'imagine pas à quel point la géopolitique d'un vestiaire peut être passionnante et très révélatrice de la société dans sa globalité)! Et au milieu de tout ça, un certain Phillip Elliott...


Phillip Elliott , magistralement interprété par un Nick Nolte au top de sa forme, c'est le gars un peu à la marge du groupe, celui qu'on arriverait vite à qualifier d'intellectuel car il serait pas loin de pouvoir lire....un livre?! Un mec qui participe aux orgies mais qui ne touchent pas aux jeunes demoiselles consentantes ou pas ( remarque, on sait pas, puisqu'on ne le leur demande pas...), qui est là, parce qu'il faut être là au motif de l'"esprit d'équipe" et de la bonne marche du vestiaire et ne surtout pas se mettre à dos ses gros bras de la défense comme le bas du front Jo Bob Priddy! Oui mais aussi un mec qui, par son silence, finalement cautionne un minimum quand même....Un mec à l'hygiène de vie irréprochable entre clopes, bières, joints et petits déjeuners des champions... Un mec désabusé qui a beaucoup de recul sur ce qu'est en train de devenir son sport mais qui a bien conscience de ne rien savoir faire d'autre que de bien recevoir ce putain de ballon! Un mec détruit physiquement et bien entamé psychologiquement qui se retrouve au tournant de sa carrière en découvrant le poste de.....remplaçant! Car oui, le sport n'est pas forcément bon pour la santé et ton statut peut très vite évoluer dans un sens comme dans l'autre!


Alcoolisme, scandales sexuels, dopages, auto médication, dépressions, manipulations, peurs cachées....à travers Phillip et son équipe, bien plus que les beaux discours convenus sur le sport spectacle propre aux USA, c'est principalement l'envers des décors que Ted Kotcheff veut surtout mettre en avant, et par delà cet exemple, il vise aussi une certaine déliquescence de la société américaine. Mais le sujet principal reste la relation propriétaires - joueurs qui se délite fortement! En ce début des 70 's le football (mais le sport en général) se retrouve à la croisée des chemins. Plus vraiment un sport amateur mais pas encore aussi professionnel que de nos jours, le sport semble prendre la mauvaise voie en donnant toute puissance aux propriétaires qui en payant des salaires importants (mais pas au point de ne pas penser à une reconversion nécessaire une fois la carrière terminée) s'arrogent aussi le droit de disposer de leurs joueurs comme bon leur semble et de les considérer comme une simple marchandise! Débat toujours d'actualité de nos jours , ou en NBA par exemple, certains n'hésitent pas à parler d'esclavagisme, les joueurs pouvant être transférer d'un club à un autre (et l'apprenant parfois d'abord par les médias...les joies d'internet...) du jour au lendemain! Propos à fortement nuancer, car de nos jours, contrairement à il y a 40 ans, les joueurs sont payés des sommes mirobolantes (pas de soucis d'après carrière si tu es un minimum intelligent...) et sont bien conscient du fonctionnement du système auquel ils participent et les obligations qui en découlent! Libres à eux de signer ou pas le contrat! Libre à eux de se "prostituer" ou pas comme pensent certains... Pour avoir un système plus égalitaire et "juste", va falloir être prêt également à faire une croix sur quelques billets verts...et ça.... On peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le cul de qui vous savez!


Alors attention, le film de Kotcheff n'est pas non plus exempt de reproches entre personnages secondaires caricaturaux (notamment le personnage de Jo Bob Priddy et manque de subtilité de certains scènes typique de certains cinéastes préfigurant un certain cinéma des 80's...Mais cela reste un excellent film sur le monde du sport anticipant sur les dérives à venir et commençant à construire le cercueil des derniers romantiques et nostalgique d'un sport qui, finalement, n'a peut-être jamais existé....Une équipe gérée comme une entreprise, voilà l'avenir du sport! Une entreprise ne laissant plus la part belle à l'humain et à l'improvisation, mais où le moindre entrainement ne serait que schémas tactiques à répéter bêtement par coeur et accumulation de chiffre divers et variés visant à supprimer au maximum le moindre imprévu! Un sport robotisé où la seule valeur qui prime est le bénéfice, le tout sous la pression de plus en plus forte de l'encadrement technique (lui aussi devant rendre des comptes à un propriétaire qui, parfois, n'y connait pas forcément grand chose) . De quoi faire péter les plombs aux plus endurcis ou de dégouter les mecs qui comme Phillip donnerait leur vie pour la balle ovale!


A déconseiller aux derniers romantiques du sport et aux adorateurs de certaines valeurs de Pierre de Coubertin


A conseiller à ceux qui ne sont pas dupes que le sport professionnel est un business comme un autre, à ceux à qui gâcher la magie par l'envers du décors ne fait pas peur et à ceux qui aime Coup de tête ou encore Le Stratège

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le 11 août 2021

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Kowalski

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