Le simple synopsis de 9 mois ferme laisse attendre du grand Dupontel. La rencontre entre une juge coincée et un petit criminel prétendument globophage. Jusque là, rien de plus normal. Dans Bernie et Le Vilain, Dupontel choisissait de soumettre la famille à ses délires sanglants, ici c’est le couple atypique qu’il forme avec Sandrine Kiberlain qui tombe sous la coupe de son sarcasme. Elle, femme ambitieuse et fermée, lui cambrioleur simplet et au premier abord « taré et débile » pour reprendre les mots de madame. Une grossesse tombée du ciel, un collègue lourdaud, des média abrutis, un vieux découpé à la scie, il n’en fallait pas moins à Dupontel pour nous offrir (comme à son habitude) un film explosif.

Explosif tant dans la forme que dans le fond. Se remarque dans ce dernier long et une fois de plus la manière si atypique qu’a Dupontel de mettre en image. Fait le plus notable : sa manie d’incliner le cadre. Il fait ainsi de ses images des tableaux désaxés qui font écho à ses personnages : figures classiques révélant au gré des évènements leurs dérives mentales. La récurrence des gros plans, croissante au fur et à mesure que la situation dégénère, montre explicitement les tourments qui prennent possession des protagonistes, à mesure que la raison laisse place à la pulsion. Le montage frénétique propre à Dupontel est l’élément liant qui rappelle encore une fois la confusion et la névrose, maîtres mots du cinéma du réalisateur.

Néanmoins, sur le fond, on ne peut que souligner l’ambivalence dudit cinéma : une abondance de gags et de clichés au service d’un sarcasme profondément morbide. Là est l’embarras. En ce sens, on peut comprendre les critiques qui accusent Dupontel de ne pas se renouveler et de mettre en scène des intrigues un peu éculées. La trame est toujours la même : une situation absurde, souvent une rencontre inopinée, qui entraînent les personnages dans un abyme de péripéties grotesques et sanglantes. Mais de ces élans déments et carnassiers se lit toujours une naïveté du propos, à déchiffrer en filigrane et qui élève le récit au dessus de la simple comédie potache et un peu glauque.

Dupontel prouve encore son intelligence à travers ses choix de mises en scène et de casting. Dujardin, inattendu en traducteur de langage des signes est hilarant, tandis que la reproduction du flash typique BFM est pleine de détails incongrus et très drôles. Kiberlain excelle en juge sérieuse mais frustrée, tandis qu’à la réplique, Dupontel est parfait dans le rôle de raté qu’il s’est construit. Les seconds rôles viennent ajouter au numéro des deux protagonistes en se complaisant dans des clichés bas de gamme : l’avocat bègue, le collègue lourd, relevés par un jeu remarquable.

Néanmoins, Dupontel reste un cinéma d’amateur. Pour qui n’apprécie pas Bernie, ses 9 mois ferme resteront ennuyeux. Dupontel n’émeut ni ne touche mais il transgresse; sa folie et son humour font de lui un réalisateur hors-pair qui continuera de me transporter.
CamilleDlc
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le 31 oct. 2013

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