À nous la liberté ! par Maqroll
Un film qui sort tout juste du muet, où le parlant est encore un peu emprunté, mal maîtrisé et où l’image dicte encore sa loi entière. Pour compenser sans doute ce déséquilibre apparent, René Clair introduit des séquences chantées qui sont le seul reproche que je ferai à ce film surprenant : au lieu d’apporter quoi que ce soit, ces moments musicaux alourdissent le rythme général et même le propos. Pour le reste, c’est un régal pour les yeux et l’esprit. Les deux interprètes principaux, Raymond Cordy et Henry Marchand (un parfait inconnu qui le restera) sont criants de justesse et de talent. C’est un film communiste (comme dirait Godard), mais où la lutte des classes est proposée dans un grand sourire, c’est surtout un film anarchiste où le Police fait partie des forces de répression comme la Justice et le Capitalisme naissant. La meilleure illustration en est la comparaison entre le travail en prison et celui en usine, saisissante et d’une modernité inouïe. Chaplin s’en inspirera probablement pour Les Temps modernes et la société de production voudra lui faire un procès. René Clair s’y opposera en proclamant que ce serait un honneur que Chaplin se soit inspiré de son œuvre ! Un grand film subversif, qui appartient aussi au surréalisme par quelques séquences à touche onirique. Terminons en signalant que la même année, René Clair réalisa Le Million… quelle année !