Avec cet Avengers 2.5… Pardon, avec ce CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR, Marvel entame la phase 3 de son MCU (Marvel Cinematic Universe). Concrètement, après avoir réuni les super-héros entre eux (phase 2 avec Avengers notamment), ce nouvel opus a pour mission de nous mener vers leur séparation. Hasard (ou pas) du calendrier, CIVIL WAR sort un mois après Batman V Superman. On ne se lancera pas dans une comparaison des deux films ; Marvel et DC Comics étant différent dans leur ton et approche, il peuvent difficilement être jugés de la même manière. Cependant, on se doit de remarquer que ces derniers abordent des thématiques et des enjeux similaires, notamment sur les conséquences des super-héros sur le monde.


Le constat est simple, partout où passent les Avengers il ne reste que des ruines, et nos super-héros semblent enfin en prendre conscience. Le fait qu’il ait fallu treize films Marvel pour en arriver à cette conclusion a de quoi faire doucement sourire, mais bon… Cela permet néanmoins de développer l’opposition attendue en substance depuis plusieurs opus entre Tony Stark (Robert Downey Jr.) et Steve Rogers (Chris Evans). A la fois dans leur vision du rôle de super-héros et leur manière d’agir, que dans leur évolution et leur place au sein des Avengers. Jusque-là, Stark semblait agir comme le leader de la troupe. Ici, on le découvre avec étonnement tourné vers le passé (évocation de la mort de ses parents), fortement résigné, désabusé, et physiquement en difficulté (faisant même songer à sa fin en tant qu’Iron Man). Soit un personnage aux antipodes de ce qu’on avait vu jusque-là (remise en question tout de même présente dans Iron Man 3). Voilà donc Captain America qui prend les rênes et mène son équipe composée de la Veuve Noire Natasha Romanoff (Scarlett Johansson), la Sorcière Rouge Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen) et le Faucon Sam Wilson (Anthony Mackie), à une ville du Nigeria pour empêcher un groupe terroriste de s’emparer d’une arme de destruction massive. Une intervention musclée qui provoque à nouveaux des pertes au sein de la population locale, et amène l'ONU à faire adopter les Accords de Sokovie pour permettre un contrôle des super-héros.


Photo du film CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR


On pouvait s’attendre à ce que la séparation des super-héros en deux groupes ait lieu, avant tout, en raison de ces fameux accords. Tony Stark ayant enfin pris conscience de sa responsabilité dans la mort d’innocents - il lui aura quand même fallu qu’une mère en deuil lui colle au visage une photo de son fils décédé - mais également dans sa séparation avec Pepper Potts, c’est en toute logique qu’il accepte de signer ce fameux traité et de se soumettre aux ordres du gouvernement. De son côté, Rogers rappelle l’intérêt de leur liberté d’action et d’agir en suivant leur jugement personnel. Deux visions qui font sens et s’avèrent pour le moins compréhensibles, permettant ainsi de prendre autant le parti de l’un que de l’autre. Mais surtout, sans trop le dire, CIVIL WAR pointe ici toute la complexité derrière le contrôle des gouvernements, qui agissent ou non en fonction d’intérêts qui leur sont propres (intérêt politique par exemple), là où le super-héros se suffit d’opposer le bien et le mal. Tout semble donc acté pour voir ces deux groupes se scinder lentement. Mais les choses prennent une autre ampleur lorsque le Soldat de l'hiver, James Barnes (Sebastian Tan), l’ami d’enfance de Rogers, tombé aux mains de l’ennemi auparavant, se voit collé sur le dos un attentat. Avec lui les choses s’accélèrent dans l'évolution des rapports entre Stark et Rogers. Mais surtout, il apparaît comme l’élément capable de tirer l’action et la réalisation d’Anthony et Joe Russo vers le haut.



"CIVIL WAR s’éloigne en partie du genre de super-héros pour toucher au style du film d’action espionnage des années 2000, à la manière de la saga Jason Bourne."



En effet avec ce personnage, les deux réalisateurs (déjà aux commandes de Captain America : Le Soldat de l'hiver, agréable dans sa simplicité) ont décidé de s’éloigner en partie du genre de super-héros pour toucher au style du film d’action-espionnage des années 2000, à la manière de la saga Jason Bourne. Il n’y a qu’à voir son histoire ; Barnes est plus ou moins amnésique après qu’HYDRA ait trafiqué son cerveau jusqu’à le faire agir contre sa volonté. Un historique qui n'est pas sans rappeler vaguement celui de Jason Bourne qu'interprétera à nouveau Matt Damon prochainement (Jason Bourne 4 prévu pour le 10 aout 2016). CIVIL WAR tourne parfaitement autour de ce protagoniste et le rend successivement neutre, ennemi ou allié de Rogers. Une sorte de mouvement circulaire qu’on retrouve jusque dans les meilleurs séquences d’actions du film (celles jouissant de sa présence). De son échappée menant à un combat au corps à corps contre un groupe d’intervention policière dans une cage d’escalier, à cette scène de poursuite dans un tunnel de Bucarest, jusque dans la bataille finale et décisive du film, tout est parfaitement chorégraphié. A travers ces trois scènes on retrouve les intentions des réalisateurs de développer les enjeux entre les personnages ; il s’agit à chaque fois du Soldat de l’hiver qui tente de fuir, poursuivi par un ennemi (Iron Man ou Black Panther, moyennement introduit) évidemment ralenti par Captain America. Ce dernier se place ainsi toujours au centre des débats, obligé de combattre ses propres alliés pour sauver ou raisonner son ami.


Il est dommage de ne pas retrouver la même précision dans les autres séquences d’action. Notamment la scène d’ouverture, dont on notera une forme de bâclage. Pourtant prometteuse, elle n’est pas exempte de défauts dans les détails de sa mise en scène, son rythme et son montage. De même, il y a une certaine lassitude devant le grand guignolesque adopté lors de la confrontation de tous les super-héros entre eux. Un ton qui se voudrait comique avec des blagues lourdes et à répétition qui ne parviennent qu’à casser le rythme de l’action. Une séquence faussement grandiose dans un aéroport désert - là encore on note, comme dans BvS, la volonté d’éviter les dommages collatéraux, mais amené tout de même plus subtilement que dans le film de Snyder - qui n’apparaît que pour respecter un cahier des charges et introduire d’autres super-héros au sein des Avengers, pourtant déjà très (trop ?) nombreux. D’autant plus lassant qu’on semble assister à un gentil combat de cour d’école où chacun fait attention de retenir ses coups pour ne pas trop blesser son adversaire. Un ressenti malheureux qui se poursuit dans la tournure scénaristique du film lors de sa deuxième partie.


Photo du film CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR


En effet, bien que débutant avec un fort potentiel scénaristique, la profondeur qu’entreprend l’histoire de CIVIL WAR laisse pour le moins à désirer. Il n’y a qu’à voir Rogers, prêt à tout pour sauver son « buddy », capable de virer psychopathe assez facilement et déjà responsable de nombreux crimes. Une franche camaraderie qu’on retrouve entre Iron Man et War Machine, Natasha et Clint, ou encore Vision et Wanda - personnage passionnant par ses remises en question et sa culpabilité, mais malheureusement trop peu exploité. Des intentions louables mais qui tendent souvent vers le ridicule. En cela CIVIL WAR semble constamment rattrapé par son esprit enfantin, dans un contexte qui ne s’y prête plus vraiment. Une sensation de grotesque se fait même ressentir dans cette nécessité d’ajouter un dernier retournement de situation pour provoquer, encore et peut-être définitivement, la séparation entre Iron Man et Captain America. Après le « Martha » de Batman V Superman, on ne peut qu’ironiser sur la place prépondérante des mères dans les rapports entre les super-héros ; l’une résolvant un conflit chez le DC Comics, l’autre le provocant dans ce Marvel. La finalité de la chose laisse alors avec un goût de trop peu et la sensation que le combat attendu entre ces deux symboles n’a pas vraiment eu lieu. Ainsi, en dépit de certaines promesses, CIVIL WAR n’est pas raté, mais il ne parvient pas pour autant à dépasser le stade du simple divertissement. Et bien que porté efficacement vers le cinéma d’action espionnage, on regrette qu’il ne se sépare pas suffisamment du classicisme marvelien pour amener quelque chose de neuf.


Par Pierre, pour Le Blog du Cinéma

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le 1 mai 2016

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