Dans la série "bon, faut bien l'avoir vu, ça fait trop longtemps que j'en entends parler", aujourd'hui: Irréversible !

Ça, c'est fait.

Effectivement, je comprends maintenant le côté "spectateurs qui sortent de la salle, le coeur soulevé", mais pas forcément dans le sens que j'attendais. Plus d'une heure après avoir vu la fin du film, j'ai encore un peu mal au coeur et c'est juste à cause de sa réalisation gerbante. Au sens premier du terme. Ça tourne tellement dans tous les sens au cours de la première demi-heure du film que l'effet physique est là. Un exploit technique ? Un concept génial ? Ni l'un ni l'autre à mon goût. Un artifice douloureux.

Cette première partie est immensément pénible, d'abord parce que d'une longueur infinie.
Markus / Cassel posant 974 fois la même question est une épreuve encore plus redoutable finalement que la scène de l'accessoire-en-métal-rouge-dans-le-crâne-du-monsieur-qui-fini-par-être-mort.

Les deux scènes chocs si souvent évoquées ? Je ne sais pas trop quoi penser de la première d'entre elle, la scène sus-citée dite "de l'extincteur". Impressionnante certes, mais quelle utilité ? Outre le (petit) exploit technique, à part faire parler de soi, à quoi peut-elle servir ?
La scène du viol ? A part sa longueur éprouvante, qui nous fait espérer pour Monica qu'elle n'ait pas du être refaite 20 fois, quel but ? De nous faire comprendre qu'un viol, c'est mal ? Est-ce que cela doit forcément passer par cet aspect pénible ?

Paradoxalement, c'est la fin du film qui m'a un peu réconcilié avec lui. Considéré comme vain par beaucoup de ceux qui m'en ont parlé, cette fin, par deux ou trois scènes réussies, me fait réaliser que Noé PEUT faire du cinéma, est CAPABLE de choses potables (la scène du métro, le couple dans l'appart).

Le tout laisse un grand arrière goût de prétention.
Cette impression gênante que le réalisateur de Irréversible se prend pour un génie, au point qu'il nous impose son énorme talent supposé par une série d'épreuves que le commun des spectateurs lambda ne peut pas supporter. Une sorte de rite d'initiation. Mais l'ensemble, tout en esbroufe, camoufle une énorme vide (void ?), un manque absolu d'idée réelle. Le temps écrase tout ? Bonjour la philosophie de comptoir.

Contrairement à Memento, dont la rétro-narration exprimait l'état mental du personnage principal, le procédé d'Irréversible ne correspond à rien. Si ce n'est esbaudir l'adolescent en mal de sensation forte. Et c'est aussi sans doute auprès de ce même public que les scènes choc évoquées plus haut semblent s'adresser.

Finalement, j'ai été très soulagé que les dernières moments m'aient un peu réconcilié avec le film. En effet, Noé a failli me contrarier à vie en me faisant être d'accord avec une critique du Figaro, citée sur la jaquette du DVD: "un petit pas pour le cinéma, un grand pas pour la barbarie". C'eut été une première bien douloureuse de partager un avis (fusse-t-il une critique de cinéma) avec cet auguste journal.
Un motif de brouille définitive avec le Gaspard.

J'aborde finalement la filmographie de Noé à la manière du film: j'ai commencé avec Enter the Void et j'ai enchainé avec Irréversible. Pour autant, je ne suis absolument pas sûr de vouloir continuer à remonter le courant.
S'infliger de telles épreuves n'a de sens que si on en trouve un.

Quelqu'un peut me conseiller un médoc contre le mal au coeur ?
guyness

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