La grande (dé)illusion

Ce film est un chewing gum nouvelle génération. Alors que l’extérieur est finement pelliculé, craquant, croustillant, avec des petites pépites rafraichissantes, il révèle sous cette première couche audacieuse un cœur liquide et insipide. Et je n’aime pas ce parfum là, mais alors pas du tout.

La planète des singes est un film double. Il pose les bases alléchantes lors d’une première heure réussie et se saborde avec un final plus éléphantesque que simiesque. Je m’explique.

Malgré une froufrouteuse liste de défauts, la mise en place est efficace dans ce qu’elle veut raconter. Evidement, l’aspect technique du film est assez bluffant et les sfx poilus assurent un max. Les petits yeux humides nos compères bananophiles sont réellement saisissants, au même titre que leurs mouvements, les expressions faciales et autres fadaises numériques. La photo se concentre sur un spectre de couleurs assez réduit ce qui évite l’effet cgi sous acide de bons nombres des productions actuelles. Sobre, réaliste, efficace. Les images transpirent la cohérence et il est bien difficile de prendre en défaut nos chères incrustations de pixels.

La mise en place de l’histoire est appliquée. Chaque élément est ajouté à sa place à l’instant adéquat. L’accouchement de la narration est sans douleur, c’est fluide et je m’étonne à chaque fois du réalisme de nos lointains cousins.

Par contre, dès que l’on creuse un peu, y’a des vieux squelettes sous le sable. Les personnages humains n’ont aucune saveur. Monotache et stéréotypé, homo sapiens ne sont pas à la fête. Will, le chercheur gentillet uniquement motivé par la guérison de son père. Il traverse le film comme un tgv en gare de Moulinon-sur-Yvette. Le père, alzheimeré, dans le rôle du déclencheur narratif. Pour faire avancer l’histoire et nouer de nouveaux enjeux dramatiques. Besoin de prouver l’efficacité du azl 112 ? www.charlesrodman.com. Besoin d’une raison pour mettre César en cage ? www.charlesrodman.com. Besoin de passer à l’azl 113 car l’azl 112 est inefficace ? www.charlesrodman.com. Besoin d’une nouvelle motivation pour Will ? www.charlesrodman.com. Je passe rapidement sur Caroline la plante en pot amoureuse de Will, Draco Mallefoy le méchant gardien, Jesaispassonnom le gentil gardien, Stryker Cox le chef des gardiens et Steve Jacobs le gros méchant businessman, arriviste, opportuniste, capitaliste. Que des trucs en iste comme kyste.

Comme les feuilles mortes, les incohérences de scénario se ramassent à la pelle. Petit florilèges spécial dédicace pour mes abonnés adorés : Comment la mère de César peut-elle tomber enceinte, elle ne s’appelle pourtant pas Marie ? Pourquoi quitter sa chambre et semer le bordel alors qu’elle doit protéger son fiston César dans la chambre ? AZL 112 en intramusculaire et AZL 113 en gaz pour mieux contaminer Franklin au labo et les singes dans leurs cages. Comment César devine que le AZL 113 se trouve dans le frigo de Will ? Comment connait-il les effets du gaz, lui qui est intelligent par les gênes de sa mère et qu’il n’a jamais mis les pieds chez GenSys ? Une fois échappé de la prison, pourquoi aller saccager GenSys et comment connait-il l’emplacement ? Et surtout, pourquoi le sachet de cookies est bleu ? Encore de la propagande pour Granola. Bref, c’est pas finaud pour deux ronds mais je laisse passer car c’est finalement bien raconté et que je suis chiante.

Il y a dans cette première phase de jolis moments, cette fenêtre dessinée sur le mur, cette laisse et se crochet qui remplissent l’écran, César trop singe parmi les hommes, trop homme parmi les siens. Une dualité simplement mais intelligemment exprimée. Comme l’arrivée dans la grande salle des singes où César porte une tenue d’homme. Il faut lui arracher le haut pour qu’il se voit autrement et il enlèvera lui-même le bas lorsqu’il serra tout à fait singe. Il pourra alors asseoir son emprise sur les siens. Dominer les singes pour s’affranchir des hommes. Il y avait tellement à dire. César, ce chef, dont le premier mot est un « Non ! » qui reflète le renfermement, le refus. César, enfin émancipé et accepté par les siens utilise une invention humaine pour se libérer : la guerre. Sa supériorité sera faites lorsqu’il préférera gracier ses adversaires plutôt que les tuer.

Mais comme le disait Saint Mickael Bay : trop de reflexion tue le nombre d’entrées en salle. Alors après une heure de film, on a droit à de la baston. De la basique, à la truelle, avec des parcmètres qui volent, des bouches d’égout qui se prennent pour des frisbies. Des Macaques qui sautent du sixième sans broncher, qui renversent des bus de 20 tonnes et sautent au ralenti dans des hélicos en vol. Il y a même un plan qui détruit tout concept intellectuel : César, Laurent Outan, Buck et Alpha réunis face à la caméra comme des Avengers en costume poilus. Josh Whedon sort de ce corps !!!

Ma dernière lueur d’espoir s’est désintégrée avec mon indulgence : Buck venait de mourir dans une scène pathétique où César le prend dans ses bras et lui ferme les yeux. J’aurais tant voulu qu’il s’occupe aussi des miens pour me soustraire à cette conclusion clichtonesque. Afin de m’achever et ainsi me vacciner pour le prochain opus, le film se clôt sur un César volubile qui pique son texte à E.T. Ridicule.

Si vous voulez malgré tout voir ce film, arrêtez-vous à 1h11. Et après, allez faire un tour au zoo, les singes y sont bien moins gerbant.
Alyson_Jensen
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le 5 août 2014

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