What remains of Edith Finch se présente comme un simulateur de marche comme il en pleut ces dernières années sur nos machines de bourgeois. Développé par le studio Giant Sparrow, déjà à l’œuvre sur le surprenant The unfinished swan, cette nouvelle production propose au joueur d'incarner la jeune Edith Finch, narratrice de l'histoire de sa propre famille. De retour sur les lieux de son enfance, où se dresse la maison familiale, Edith va enfin pouvoir découvrir pourquoi elle est la dernière des Finch encore en vie.


A travers l'exploration de cette famille maudite par les yeux de son ultime membre, Giant Sparrow livre une œuvre mature sur la mort, l'absence et l'ironie de la vie. La première vision de cette maison familiale subjugue. Elle fait écho à l'arbre généalogique que Edith a dessiné dans son journal et qu'elle complète à mesure de son avancée. L'architecture presque organique et le fait d'avoir toujours à se faufiler pour découvrir une nouvelle pièce augmente cette sensation d'évoluer parmi les branches et les creux d'un arbre. Les premiers pas dans la maison des Finch sont troublants. Tous semble à l'abandon depuis peu, comme si les habitants avaient instantanément disparu. Le niveau de détail de chaque pièce est vertigineux et reflète la personnalité de son occupant. Les pièces communes ont des murs littéralement tapissé de livres, comme si les histoires étaient les fondations de cette famille. Pour chaque dénouement réel, le cimetière des Finch en témoigne, il y a ces nuances romancées, fantasmées, qui cueillent le joueur pour adoucir une fin abrupte.


Au travers chaque souvenir lié à un membre de la famille, une nouvelle idée de gameplay surgit. Minimalistes dans leur exécution, ces mécaniques épousent avec justesse les sensations que les développeurs veulent nous faire ressentir. Que se soit le plaisir d'être un bébé dans son bain jouant avec ses canards en plastique, du père prenant en photo sa fille lors d'une sortie chasse, le plaisir de guider un cerf-volant ou de trancher mécaniquement des têtes de poisson à la fabrique en s'évadant par l'esprit, le jeu réussit l'exploit de toujours se renouveler, autant dans sa narration que dans son gameplay. Jamais moralisateur, WROED expose simplement des vies malmenées, des êtres atypiques, bouleversants dans leurs trajectoires, dont la mort souvent tragique est atténuée par une composante onirique. Ce gameplay enivrant est accentué par une narration environnementale classieuse où les réflexions d'Edith s'incrustent littéralement dans le décor. Apothéose de ce procédé avec l'épisode du cerf-volant où le texte fait partie intégrante du gameplay.


Mais le jeu ne serait rien sans son incroyable galerie de personnages. Avec à peine quelques phrases sculptées, chaque membre de la famille est défini en plus par sa chambre, véritable extension de sa personnalité. C'est fascinant de découvrir avec quel amour du détail les artistes de Giant Sparrow ont ciselé des frères, des sœurs, des tantes, des grand-parents... par l'intermédiaire de pièces exiguës, de mots inspirés et de tranches de vie tragiques est trop souvent prophétiques. Toutes ces vies guillotinées. Chacune, à sa façon, résonne comme teintée d'une composante d'un rêve inaccessible qui, s'il n'est pas atteint, abrège la vie qui ne peut y accéder. On peut voir en filigrane ce message qu'une vie sans rêve ou sans inspiration ne mérite pas d'être vécue ou qu'une mort est parfois le seul tribut à payer pour une vie réussie. Ou comme disait Chamfort: Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu.


What remains of Edith Finch met le joueur en apesanteur durant deux bonnes heures. Les sentiments dansent à la mesure de la valse de l'empereur de Strauss et les émotions éclosent comme ces digitalines pourpres qui s'épanouissent aux abords de la demeure des Finch. Fleurs mortelles, comme le destin de cette famille, mais au charme hypnotique. Une expérience unique à mettre entre toutes les mains.

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le 8 juin 2017

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Alyson Jensen

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