Laurence, professeur au lycée, et Fred, réalisatrice dans le monde du cinéma, forment un couple de tout ce qu’il y a de plus normal. Mais subitement, petit à petit, Laurence ne veut plus vivre dans son corps d’homme. Il veut changer de sexe, pour devenir une femme. Nouvelle, qui va faire basculer l’ordre idyllique du couple. On va suivre les péripéties du couple avant et après cette transformation physique.
De prime abord le cinéma de Xavier Dolan peut paraître assez grandiloquent et futile, et ce n’est pas son dernier clip boursouflé de poncif pour le groupe Indochine qui fera sans doute changer la donne. Son deuxième film, Les amours imaginaires, était une sorte de coquille vide renfermée sur elle-même par son style graphique intéressant mais trop tape à l’œil pour faire naître une quelconque émotion. Laurence Anyways est donc le troisième long métrage du jeune réalisateur canadien. Et tout de suite, on reconnait sa patte. Musique « new wave », univers hipsters, code vestimentaire plus ou moins arty…
Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a franchi un cap tant sur la forme que sur le fond. Dolan, malgré son style « clippesque » a su, dans ce film, épurer son cinéma par une retenue qui est la bienvenue. La scène où Laurence arrive dans sa classe, habillé pour la première en femme, en est le symbole même. Le film est long mais n’ennuie jamais malgré un petit creux vers la moitié du film. Premièrement, Dolan s’intéresse peu au processus de changement de sexe.
Malgré son sujet, Laurence Anyways n’est pas un film sur le transsexualisme et sur ses conséquences physiques et médicales mais est un film sur le couple et sur la liberté de vivre comme bon nous semble. On voit des bouts de vie, des bouts de quotidiens. Pas toujours très subtil dans son approche et dans ses dénonciations sur la société, Dolan est d’une grande justesse sur sa vision du couple grâce à son talent d’écriture.
Quel impact, une décision aussi importante, peut-elle avoir sur le couple et sur l’amour que l’on a vis-à-vis de l’autre ? Vaut-il mieux souffrir en silence pour garder l’être aimé ou s’émanciper pour notre bien personnel ? Il y a deux films dans le film. Il y a cette décision vu par le prisme du couple et de la cellule familiale où Fred et Laurence vont passer par toutes les étapes (ils s’aiment et se déchirent etc) et il y a aussi cette décision qui est vu par le biais d’une société par forcément bienveillante. Outre ses beaux effets de style plastiquement parlant (la scène où il pleut des vêtements ou la scène où Fred se prend cascade d’eau sur elle), le film est porté par son duo d’acteurs qui est d’une justesse et d’une complicité admirable.
Melvil Poupaud et Suzanne Clément sont sidérants et n’en font jamais trop. Ce qui nous donne par moments des séquences imprégnées d’une émotion et d’une rage palpable grâce à ses dialogues ciselées comme celle où Fred pète un câble en plein restaurant alors qu’elle mange avec Laurence. N’oublions pas les seconds rôles, comme celui de Nathalie Baye, jouant la mère de Laurence, et qui arrive à mélanger amour et cynisme. Pour la première fois, Xavier Dolan arrive à unir l’émotion avec la superficialité de sa mise en scène graphique, tout en arrivant à parler avec talent de ses plus grandes obsessions (la liberté du corps et la liberté sexuelle).