Dans les années 90, Peter Jackson comptait parmi mes préférés. Emerveillé par Braindead et surtout Meet the Feebles, ému jusqu'aux larmes par Heavenly Creatures, et frappé de stupeur par The Frighteners, j'apprends qu'il s'attaque au Projet des Projets. Le Seigneur des Anneaux. Whaow.


J'ai lu Bilbo en CM2 et je n'en avais que peu de souvenirs. Je dois reconnaitre que ça ne m'avait pas encouragé à me plonger dans la lecture de la Sainte-Bible de la Terre du Milieu, aussi me trouvé-je devant ce premier opus l'esprit vierge... pour sortir complètement déboussolé. J'ai immédiatement appelé un ami à la rescousse : "Tu peux me dire ce que c'est que ce délire ? Ça veut dire quoi, ça, ça, ça et ce moment, et ça, et Galadriel, et puis ça ?"


Tout va tellement trop vite que je me suis senti aliéné. Pas le bienvenu, en tout cas...


Et puis le film souffre d'un sérieux défaut qui se répercutera sur les deux suites : le méchant n'est pas impressionnant. Sauron est présenté lors de l'ouverture comme un gros guerrier-sorcier un peu con dont l'arrogance le perd, et il passera le reste de ses jours métamorphosé en énorme trou-du-cul en feu au sommet de sa tour. J'ai envie de dire :
" - Laissez-le là, le pauvre...
- Mais il lève une armée...
- Tu parles ! Une bande de crèves-la-faim, t'as vu son pays ? C'est que de la roche, y'a rien qui pousse, ils sont obligés de s'entre-bouffer ! Non sérieusement, laissez le ! Pourquoi se faire chier à le détruire ?
"


Si dans Die Hard, Hans Gruber était resté assis sur une chaise à regarder ses sbires handicapés mentaux faire tout le boulot, je n'aurais jamais souhaité sa mort, ni ne m'en serais-je réjoui...


Et parlons-en des sbires de Sauron... Une bande de cavaliers fantômes à moitié aveugles qui se font baiser par le coup du polochon sous les draps ! En plus ils savent même pas nager. Heureusement qu'Elrond restaure l'équilibre entre les forces du bien et du mal, en donnant son aval à la mission-suicide la plus insensée :
Les Hobbits sont les créatures les plus frêles et peureuses de la Terre du Milieu. Je vais en mettre quatre.
L'Homme est la race la plus sujette au pouvoir corrupteur de l'Anneau. J'en mets deux.
Les Efles et les Nains se détestent depuis des temps immémoriaux. J'en mets un de chaque...
Et enfin un Mage Hippie. Et ils vont simplement marcher jusqu'au Mordor pour y détruire l'Anneau.


Déçu de la contre-performance narrative, je suis prêt à trouver le film médiocre, mais je me surprends à suivre avec entrain leurs pérégrinations. Car le film sait allier le sublime et le ringard avec la plus surprenante énergie. Nombre de plans et d'idées me restent en mémoire, comme ce gros plan sur l'Anneau qui tombe lourdement sur le sol chez Frodo, l'arrivée à Rivendell, le combat contre le troll dans la Moria... Et puis toujours des élans de sottise éhontée, comme l'arrivée du Balrog, ou après avoir constaté que même les cave-goblins s'éclipsaient incontinents, nos héros restent une bonne minute comme des cons sans rien dire jusqu'à ce que Boromir trouve un neurone par terre ou Dieu sait quoi et lance : "Gandalf, c'est quoi ?" et là Gandalf : "C'est le Balrog, la plus terrifiante créature du monde. Fuyons !" Mais pourquoi tu nous le dis que maintenant, espèce de malade ??


Après, on passe chez Galadriel, et là j'ai absolument rien compris. J'ai à peine eu le temps de retenir son nom qu'il repartaient déjà ! Qui c'était ? Pourquoi elle menace de se changer en monstre ? Je...
Heureusement, la version longue vient largement éclairer cette zone d'ombre.
Pour finir, Boromir pète un câble comme de bien entendu et se fait tuer pile quand il était devenu une menace pour Frodo. Sympa les Uruk-Hais ! La Communauté est cependant défaite, et on se prépare au deuxième épisode.


Ce film marque évidemment un tournant dans la carrière de Peter. Prouvant avec The Frightneners qu'il pouvait assembler une Ferrari avec le budget d'une Deux-Chevaux, il doit bâtir une fusée avec le budget d'une Ferrari. Un grand départ : il ne fait plus des films, il fait du Cinéma.


Si personnellement je préfère le Peter qui fait des films, je serais bien idiot de bouder contre mon estomac devant cette entreprise. Construire toutes les armes et cuirasses en dur, transformer John Rhys-Davies en Nain, passer le plus clair de son temps à filmer des mecs qui regardent un Anneau doré comme si leurs vies en dépendait... Même si je ne suis pas complètement investi dans le sujet pour toutes les raisons évoquées plus haut, ça force le respect.


______________________________________


Appendice : un mot sur l'adaptation.


Les années ont passé, Peter Jackson a sorti son "Bilbo Origins" : Le Hobbit, un voyage inattendu et je me suis surpris à vouloir lire le pavé de Tolkien. Les différences sont légion, mais il y a de quoi en décortiquer une poignée...


Evidemment, le gros de l'intrigue est respecté, les thèmes développés sont les mêmes et l'ensemble des personnages répond à l'appel...


Il manque Tom Bombadil mais déjà que Sauron passe pour un troufion, si en plus on apprend l'existence d'un être suprême qui peut l'humilier en un clin d'œil, on ne prendra plus jamais sa menace au sérieux !


Pour Gimli, je comprends la nécessité de le modifier un peu : dans le livre Gimli est un nain exceptionnel, représentant de la première générations des Nains retournés à Erebor. Il en résulte une sorte de noblesse qui émane de lui. Il est moins rugueux que ses ancêtres... Du coup, comme il est dans le film le seul représentant de son espèce, il est préférable de le "Naniser" un minimum, pour témoigner à travers lui de l'esprit Nain au sens large.


En revanche je ne comprends pas pourquoi il a eu besoin de changer Merry & Pippin en Eric & Ramzy. Dans le livre ils sont beaucoup plus avisés, et partie-prenante avant même que Frodo n'ait eu vent de l'existence de l'Anneau Unique. En élaguant le premier acte, Peter les a changé en clowns débiles qui suivent la Quête de Frodo par pur désœuvrement !


Au final, je pense qu'adapter le livre plus fidèlement n'aurait pas donné un bon film, tout autant que les livres s'ils étaient écrits comme les films seraient ridicules. L'équipe de choc de Peter a su trouver l'équilibre entre un esprit de synthèse de la narration et la volonté de fouiller certains aspects - les plus spectaculaires, évidemment - du livre. Mais ils vont au devant de bien des dangers : l'adaptation des Deux Tours !

mikeopuvty
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les Films de ma DVDthèque et Les Films de ma BluRaythèque

Créée

le 15 déc. 2012

Modifiée

le 24 janv. 2013

Critique lue 873 fois

5 j'aime

2 commentaires

Mike Öpuvty

Écrit par

Critique lue 873 fois

5
2

D'autres avis sur Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'anneau

Du même critique

Super Size Me
mikeopuvty
2

Démonstration par l'absurde.

Super Soy Me : Morgan Spurlock passe deux mois à ne manger que des nouilles sauce soja. Il prend quinze kilos, mais on lui enlève un rein, donc au total seulement 14k850g... King Size Me : Morgan...

le 26 oct. 2012

253 j'aime

87

Hercule
mikeopuvty
3

HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGGHHHH !!!!

" SI VOUS VIVEZ A LA FIN DU COMBAT ALORS C'EST GAGNE !! AAAAAAAAAAAAAAAAAAHH !!! " " BUVEZ SOUS PEINE D'AVOIR SOIF !!!! HAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!! " " QUAND NOUS AURONS GRAVI CES MARCHES NOUS SERONS...

le 27 août 2014

223 j'aime

29

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
mikeopuvty
1

La Bouse de Jamel

On sait qu'une comédie est embarrassante quand les moments comiques provoquent des soupirs gênés, et les scènes de mystère ou épiques des éclats de rire... Pourquoi j'ai pas mangé mon père est de ces...

le 10 avr. 2015

205 j'aime

22