En 2005, Rian Johnson obtenait le Prix Spécial du Jury au Festival de Sundance, pour Brick, avec Joseph Gordon-Levitt également. Une duo prometteur donc, qui confirme désormais son alchimie avec Looper, dont le scénario semble sorti tout droit d’une nouvelle de Philip K. Dick.

Il est pourtant facile de se prendre dans les rets du voyage dans le temps et y laisser sa crédibilité : Richard Donner en fait notamment l’expérience malheureuse avec l’atroce navet Prisonniers du temps, tandis que d’autres se hissent au rang de films cultes – pour ne citer que Retour vers le futur.

Tous les films ayant exploré la possibilité de modifier le présent grâce à un retour dans le temps démontrent qu’il est extrêmement difficile de s’en sortir. Bradbury l’a écrit lui-même dans sa nouvelle Un coup de tonnerre : la mort d’un papillon au temps des dinosaures peut bouleverser le monde tel que nous le connaissons. D’autres problématiques se posent, du type “si mon futur moi me prévient d’un truc qui s’arrange, je n’aurai plus besoin de voyager dans le temps et donc n’aurai jamais reçu cette visite”… La machine à explorer le temps de Simon Wells (un remake souvent décrié mais que j’affectionne beaucoup) considère cette problématique et y répond assez bien (teasing, tu n’as plus qu’à le regarder maintenant hinhin).

Quant à L’armée des 12 singes, il est bien la preuve que Bruce Willis… oh wait, je ne l’ai pas encore vu. LA HONTE.

Les scénaristes se frottant au sujet doivent donc prendre le parti de se lancer dans l’exploration de ces problématiques ou, tout simplement, de les simplifier au maximum, les deux approches comportant le risque de décrédibiliser l’ensemble. Looper emprunte la voie de la simplification, s’attachant à certains faits seulement, oubliant l’histoire du moi futur (sinon le film n’existerait pas hein). Et ça marche assez bien.

Un scénario épuré donc, mais assez riche pour suggérer l’existence d’un background qui aurait pu être tiré de la saga littéraire en plusieurs volumes d’un auteur cher à nos coeurs (Philip K. Dick donc, ou Asimov, Bradbury, Orwell ou que sais-je…). Mais non. Bravo donc.

En outre de ce point fort, j’ai été impressionnée par Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt, tous deux justes, tous deux dans leur élément. Nous aurons du mal à nous habituer à Joseph (officiellement ajouté à la liste de mes chéris 2012, d’où le prénom seul) grimé en une autre personne, la production ne s’étant pas attachée à lui faire ressembler à un jeune Bruce Willis mais à installer dans leurs traits des parallèles troublants. Parfois, cela fonctionne, parfois un peu moins, mais l’ensemble tient debout, surtout grâce au jeu de Joseph Gordon-Levitt qui s’est attaché à parler, marcher, réagir comme son aîné.

Ce qui est également intéressant est la manière dont a été imaginé notre futur dans une vingtaine d’années : des bouleversements économiques et sociaux plus que technologiques, justifiant l’aspect “vintage” des vêtements, bâtiments, voitures en 2044.

Parfois, on a le sentiment de regarder un western plus qu’un film de SF : les face-à-face s’enchaînent et les personnages s’affrontent comme lors d’un duel. Looper, un film qui ne nous abreuve pas de détails inutiles et se concentre sur l’essentiel. Parfois un peu trop Hollywoodien mais dans l’ensemble très agréable et crédible.
Filmosaure
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le 20 oct. 2012

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