Et dire que j'ai failli looper ça...

J'avais quand même réussi à me préserver de toute info sur ce film, m'immunisant presque contre la plupart des préjugés de rigueur sur une production de SF multi-référencée et me promettant encore quelques petites surprises bonus en plus du simple trailer que j'avais vu deux ou trois fois ici ou là. J'viens donc de lancer la galette en m'attendant à une sorte de Die Hard 5 futuriste option voyage dans le temps (après Prometheus, Total Recall Mémoires Programmées et After Earth, les espoirs en films de SF ont tendance à assombrir le tableau d'emblée...) avec le binôme habituel vieux et jeune se vannant du début à la fin et courant à droite à gauche pour éviter les balles des méchants hargneux. On peut dire que ça a du bon de mater des films de merde parfois, le reste n'en demeure que plus étonnamment savoureux.

Un truc est sûr, j'aime les films un brin fauchés mais passionnés. Ces films qui te montrent à chaque plan qu'ils n'ont "que" les moyens qu'ils ont mais qu'ils vont tout faire pour touiller ce peu et l'harmoniser pour en tirer un beaucoup. Utiliser des plans brefs, espacés dans le temps comme un rappel régulier de l'ambiance graphique, disperser quelques idées au compte gouttes et les diluer avec retenue et ingéniosité dans un ensemble cohérent, étendu comme la surface faussement calme d'une mer d'huile, plaine lancinante d'où surgit brièvement une créature agité et bouillonnante avant de redisparaître dans le calme trompeur d'un tapis savamment ouvragé... District 9, The Mist, Monsters, Dredd... des films de peu de choses que la restriction fait superbement sortir du lot.

Looper bâtit un univers finement pensé, tangible et crédible sur quelques images de tours obscures, de projecteurs de lumières bleutées, de néons grésillants, de bas-fonds rouillés, d'engins chevrotants, de moteurs vrombissants, de voix crachotantes, le tout saupoudré avec tact sur une trame narrative dispersée d'une sobriété stylistique aussi forcée qu'efficace. L'ensemble élabore un pouvoir de suggestion relativement bien maîtrisé, modelant à merveille ce futur de crasse, de rouille et de défonce, de coups de shotgun urbains, de bécanes aérienne et de téléportations spatio-temporelles frauduleuses pour pièges en hautes herbes... monde de merde placide où va soudainement défiler une parade gigantesque multi-référencée. Peut-être même trop. A tel point que ce fond arachnéen tend à se déchirer de part en part, d'un attachement à un autre, de Blade Runner à Akira, de Terminator à Judge Dredd, de Metropol.. oh et puis merde j'vais pas tous les citer...

Nan en fait ça m'gonfle, j'imagine que tout a déjà été dit, j'ai rien lu sur le sujet depuis très longtemps... Je n'ai pas envie d'énumérer la liste énorme des références défilantes, tout comme ça n'me tente pas de piailler sur les longueurs langoureuses frôlant parfois le mièvre qui s'enlisent inutilement dans l'histoire, ou du "mophing" de la tronche de Gordon-Levitt qui ne sert à rien d'autre qu'à le faire ressembler à un énième rejeton de la famille Baldwin... Non. Ce film m'a juste agréablement surpris. Il est bien ficelé, bien amené, bien imaginé. C'est un bel hommage dont l'excès de références et la dispersion abusive n'ont d'égal que la suite inattendue de petites surprises qui attendent patiemment leur tour pour débouler sur l'écran. C'est prenant, captivant et parfois jouissif et, surtout, ça contourne à merveille un manque de moyens ressenti par une suggestion subtile et providentielle à l'heure des oeuvres suintantes, productions se gaussant de toute contrainte en exhibant leurs gros dollars à coups de CGI en pagaille. En fait, ces 5 dernières années, il n'est aucun univers futuriste qui soit aussi palpable que ce que crée Looper, et j'ai un énorme respect pour ça.

Sinon, le scénar à base de double temporel fera encore palabrer longtemps autour de chopines de cervoise tiède et gobelets de lait de chèvre, comme Retour vers le Futur et Terminator 2 en leurs temps.

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le 7 déc. 2013

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zombiraptor

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