Rian Johnson est de ma génération : il a probablement grandi en fantasmant des récits tarabiscotés qui entrecroisent les références et les genres. Ici, le film noir rencontre l'anticipation, on évolue dans des environnements aussi différents que le polar urbain dépressif et la romance champêtre élégiaque, et sur Looper planent les ombres (entre autres) du premier Terminator de James Cameron et du Furie de Brian DePalma...
Un vrai travail de régurgitation cinéphile donc, qui donne quelque chose de très contemporain, dans sa forme un brin poseuse comme dans les traits désespérés de son récit. Au coeur de ce dernier, un vrai anti-héros, jeune tueur à gages sans code d'honneur, confronté à son double adulte revenu du futur. L'intérêt du film est de s'écarter radicalement de l'option attendue : celle du buddy movie temporel où le jeune aurait formé avec son soi plus vieux un couple mal assorti mais uni par un même objectif, leur propre survie. Au contraire, Looper oppose définitivement ces deux versions d'un même personnage et leur réserve un sort surprenant, semblant affirmer qu'une même personne puisse se désolidariser complètement d'elle-même.
Le film de voyage dans le temps a toujours servi de métaphore pour exprimer, sans trop choquer, des angoisses existentielles extrêmement violentes. Ici, il est question de dissociation. Effrayante scène de la mort de Seth où son double vieux voit ses membres disparaître au fur et à mesure qu'on ampute le jeune. Effrayante conclusion également, où le personnage principal et son double se retrouvent dans une impasse. Et si en apparence Looper est un film qui paraît sûr de lui et un brin arrogant, il ne résout rien, le récit laissant ouverte une béance identitaire (qui être ?) faisant écho au statut protéiforme du film lui-même.
On peut parler de film "adolescent", immature. Rian Johnson est encore jeune. Mais James Cameron avait 30 ans quand il a réalisé Terminator, film d'une totale maturité.
Jorje
6
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le 5 nov. 2014

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Jorje

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