Les films Wes Anderson offrent une particularité peu commune au cinéma, un « je-ne-sais-quoi » les classant d'office hors catégorie. Ce « je-ne-sais-quoi » provient probablement de la formation autodidacte de Wes Anderson n'ayant pas eu besoin d'intégrer une école de cinéma pour faire des films du fait de son amitié avec les deux frères Wilson (Luke et Owen). Du coup de son parcours atypique, il accouche donc des films atypiques.

Je me rappelle encore de la première fois que j'ai vu un de ses films, La Famille Tenenbaum il s'appelait. Je n'étais pas bien vieux, à peine 13 ou 14 ans. Je vais vous l'avouer, c'est surtout la présence sur l'affiche de Bill Murray et de Ben Stiller qui m'ont convaincu de le visionner. Après visionnage, je me rappelle encore de ma réaction ou plutôt de mon absence de réaction. Je me demandais alors quel était ce film que je venais de voir. Un film drôle ? Un drame ? Dépressif ? Je ne savais pas trop comment le prendre et me promis de le revoir pour me faire un deuxième jugement. Promesse que j'ai accompli des années plus tard, j'ai davantage apprécié la seconde fois. En fait un Wes Anderson, c'est comme du bon vin, ça se bonifie avec le temps. J'ai raté La Vie Aquatique mais pas À bord du Darjeeling Limited dont j'ai apprécié le parcours initiatique en Inde par contre Fantastic Mr Fox m'avait déçu. Toutefois, j'avais hâte de découvrir le nouveau Anderson même si la bande annonce m'avait refroidi.

Je peux, sans trop me risquer, affirmer qu'il s'agit du meilleur Anderson. Dès les premiers plans, on voit tout de suite l'onirisme se dégageant de cette œuvre sans réel équivalent au cinéma. Moonrise Kingdom est avant tout une poésie car comme l'affirme Sam, le héros de l'histoire, la poésie, c'est surtout de la créativité. La patte Anderson fait mouche dès l'ouverture avec ces longs travellings sur fond de présentation des instruments. Anderson y dépeint une famille légèrement désaxée sans une ligne de dialogue... Prouvant que les images peuvent se passer de mots, une bizarrerie dans l'univers hollywoodien. Il réutilisera plusieurs fois ces longs travellings donnant un aspect maison de poupées à la maison familiale de Suzy et une ambiance hors du commun cinématographique. Un certain style qui demandera à certains de s'y habituer.

Le film demeure aussi très drôle, par l'absurdité des évènements, des actions ou la mise en scène. Surtout si Moonrise Kingdom demeure aussi réussi, en n'oubliant pas la superbe bande originale d'Alexandre Desplat, il le doit avant tout à la performance de ses deux jeunes acteurs Jared Gilman et Kara Hayward. Une romance ne peut être crue que si les deux acteurs l'offrent, on avait vu récemment avec le décevant Je te promets qu'une telle alchimie ne se fabrique pas mais doit être mue par la nature.

De ce côté-là, les deux novices éclaboussent le film de leur grâce et de leur naïveté faisant de cet amour de jeunesse une grande aventure. Leurs échanges sont des purs bonbons magnifiés par la belle écriture. Malgré la simplicité de l'intrigue, on sourit, on est ému et on se dit que bah oui dis donc, le talent ne se fabrique pas. Une telle histoire entre les mains d'un autre réalisateur aurait accouché d'un long-métrage puéril et vomitif. C'est là le génie de ce Moonrise Kingdom, offrir de vrais sentiments enrobés d'un emballage superbe typiquement Andersonien, couleurs criardes, décors et costumes sixties. Le réalisateur offre même une séquence finale qu'on croirait tout droit sorti de Fantastic Mr Fox.

En plus de tout ça, on bénéficie d'un casting de second rôle maîtrisé à merveille où chacun offre une prestation ne débordant jamais sur le territoire de son collègue. Les seniors offrent une vraie assistance aux jeunes tout en leur laissant le film. Un véritable mérite de leur part de réussir à s'effacer derrière eux.

On peut reprocher à Moonrise Kingdom une superficialité mais ce serait renier ce qui fait son charme. De toute façon, le plus gros défaut du film est qu'il est un Wes Anderson, il ne plairait donc pas à tout le monde mais ses fans seront ravis et les nouveaux venus succomberont à son charme ou non par contre, il ne laissera personne indifférent.


Conclusion:

Une petite merveille typiquement Anderson, cela plaira ou non mais on ne peut renier la poésie de l'ensemble.
Marvelll
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le 21 mai 2012

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