Pi
6.8
Pi

Film de Darren Aronofsky (1998)

Darren Aronofsky s'essayait pour son premier film, qu'on sent bien fauché avec ce noir et blanc assez spécial mais pas dégueu non plus, au "thriller" psychologique anti-pythagoricien (enfin je crois), et ce pour mon plus grand plaisir philosophique...


La question du mathématisme me passionne. Dans notre société, en dehors des gens très croyants, la plupart des autres sont "mathématistes", sans forcément s'en rendre compte. Pas moi. Pourquoi ? Parce que l'infinie et non séquentielle (enfin je crois ^^) valeur de Pi, et sa perfection circulaire, me paraissent être la preuve la plus savoureuse que certaines choses dépassent le "nombre", dont cette forme de perfection justement...


Et l'histoire de ce mathématicien juif athée de génie me semble aller dans ce sens. Max Cohen (c'est son nom) a un postulat de départ selon lequel tout dans l'univers - et sans exception - se trouve régi par les séquences mathématiques ; sauf qu'il n'arrive toujours pas à trouver celle de Pi. Et ça le fout en rogne le gars ; mais de l'intérieur. Parce qu'il a besoin d'ordre le Max. C'est rassurant l'ordre... Et les maths, ça ordonne, ça cherche même à mettre du quantitatif sur ce qui ne l'est pas forcément. Ca explique bien des choses évidemment. Mais pas tout. C'est avant tout une façon de voir, il me semble. Un postulat justement. Et pourtant, je suis moi-même athée, ou agnostique, pour faire plus modeste. Poète quoi...


Surtout que cette folie mathématique n'a pas l'air de trop l'aider notre pauvre Max. Il subit des migraines de ouf et, calfeutré chez lui à triple-tour, cet asocial n'envisage même pas de pécho sa très jolie voisine qui pourtant lui fait du gringue à base de samossas. D'après lui, et il ne cessera de le répéter, c'est parce qu'il a fixé le soleil trop longtemps à 6 ans pour désobéir à sa mère qu'il est devenu aussi intelligent et migraineux. Et il finira même par prétendre avoir vu la lumière de Dieu ce jour-là. Doit-on le croire ? Pas sûr. Peut-être encore un de ses trucs pour se persuader qu'il est dans le vrai, comme son vieil ami (le seul) joueur de go lui fera remarquer... En fait, Max est totalement schizo : il voue un culte à son cerveau, qu'il voit partout, se sent comme envahi par des fourmis solitaires, entend gémir comme une femme sa bécane euclidienne, le tout bien sûr associé à de grosses tendances paranoïaques...


Le nombre 216 - et le bug qu'il engendrera - deviendra sa nouvelle obsession, la spirale de sa folie ; persuadé que celui-ci et sa formule représentent la solution qu'il cherche. La solution à tout. La solution que tout le monde veut s'accaparer : des gens de Wall Street, qui pourraient dès lors anticiper les fluctuations du marché, aux religieux juifs, pour qui sa combinaison permettrait de déchiffrer la Torah et de les rapprocher au plus près de Dieu... Mais le dénouement verra, pour sa plus grande sérénité, notre héros finalement libéré des nombres, ses faux-amis...


Plus prosaïquement, Pi manque pas mal de rythme dans l'ensemble, et son sujet ne passionnera pas tout le monde. Je n'ai pas non plus éprouvé beaucoup d'empathie pour le héros, trop cérébral peut-être ! ^^ Pourtant, les acteurs s'en sortent bien, même si ce dernier (Sean Gullette) ne fera pas une grande carrière. Pi, original et étrange à la fois, fonctionne aussi sur un contraste entre son vieux noir et blanc et sa musique techno associée à un montage nerveux, par moments clipesque (l'intro m'a carrément emballé). Un film particulier donc, mais des débuts déjà très intéressants de Darren Aronofsky.


7,5/10

RimbaudWarrior
7
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le 23 mars 2016

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RimbaudWarrior

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