Sur le papier, quoi de mieux qu’un tandem Peter Weir / Andrew Niccol aux manettes de l’illustre The Truman Show, critique évidente de la téléréalité et du contrôle de l’individu lambda par une entité supérieure ?
Le premier écopant de la réalisation aux dépends d’un Brian De Palma peu emballé à l’idée de diriger Jim Carrey dans le rôle-titre, le parallèle avec son fameux Dead Poets Society ne semble pas manquer de sens, tandis que le second confirmait là ses belles prédispositions à l’orée de son chef d’œuvre d’anticipation Gattaca.
L’inspiration Orwellienne est naturellement palpable, Christof rappelant le Big Brother de 1984, mais l’on ne saurait réduire The Truman Show à une banale transposition au domaine des reality show ; certes, l’empreinte SF aux relents invraisemblables composant cette mascarade qu’est Seaheaven, cité côtière faussement idyllique de son état, peut laisser dubitatif au premier abord, mais sitôt familiarisé au concept d’une émission grandeur nature maintenant un homme dans une illusion totale, on ne peut que se prendre au jeu d’une satire si pertinente.
L’autre point relativement épineux du long-métrage concerne la prestation de Jim Carrey, dont les manies habituellement loufoques semblent déteindre sur son personnage ; Truman Burbank part de ce fait avec un léger désavantage, ses innombrables mimiques desservant la composante dramatique de sa position, mais cela va finalement de pair avec l’éclaircissement progressif du programme télévisé dans son ensemble.
En clair, une fois pris la pleine mesure de l’ampleur dantesque atteinte par The Truman Show, le regard sceptique porté sur ce bougre insouciant, observé 24h/24 par des milliards de téléspectateurs, se mute peu à peu en un attachement suscitant une fervente indignation, comme peut en témoigner l’énigmatique Sylvia ; entre critique du pouvoir télévisuel sur les masses et la défense des libertés individuelles, le film de Peter Weir apporte une profondeur de réflexion des plus conséquentes à son intrigue de base captivante, de quoi justifier amplement une telle popularité.
La confrontation finale opposant Truman Burbank à son « créateur », au gré d’une tension allant croissante pour ainsi dire formidable, apporte au long-métrage une conclusion aussi puissante que subtile, d’autant que le fin mot de l’histoire se réduisant à un simple « zappe » est d’une ironie sidérante.
Vraiment, The Truman Show se pose comme une fabuleuse référence dans le genre, si bien que l’on passe aisément outre une réalisation visuelle sans véritables éclats, le fond l’emportant ici clairement sur la forme ; on saluera aussi la performance de Jim Carrey, celui-ci nous surprenant au bout du compte en bien, et c’est peu dire.