Présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs lors du Festival de Cannes en mai dernier, ce film de fin d’année scolaire sort donc… en pleine rentrée. Les voies de la distribution sont décidément impénétrables. L’intérêt pour le film est d’avoir entre temps raflé le Prix de la critique internationale au Festival du Cinéma Américain de Deauville alors qu’il était reparti bredouille de Cannes. C’est à première vue une récréation pour Michel Gondry, un quasi-docu à petit budget tourné à la va-vite (on lui pardonnera quelques gouttes d’eau sur les vitres alors qu’il est censé faire beau tout le temps, par exemple) qui sort entre le blockbuster The Green Hornet et le très attendu L’Ecume des jours. C’est pourtant là qu’on reconnait les grands réalisateurs, développant plusieurs projets de front qui aboutissent parfois de manière très rapprochée (si vous pensez à Steven Spielberg, vous n’avez pas tort): en réalité, celui-ci a nécessité 3 ans de préparation.
Au passage, vous serez heureux d’apprendre que le correcteur d’orthographe m’a proposé de remplacer Spielberg par… Robespierre ! Je savais bien que son cinéma était révolutionnaire.

Les jeunes acteurs sont de vrais lycéens et portent leur vrai prénom, la conductrice de bus est vraiment conductrice de bus, les dialogues sentent tellement le naturel qu’ils ont l’air improvisés, tout ceci renforce l’aspect « docufiction ». Pourtant, tout a été écrit et préparé, Gondry s’inspirant de sa propre expérience et du vécu de ses jeunes interprètes. Construit en 3 chapitres, on y voit d’abord les caïds du groupe faire les 400 coups, s’en prenant (verbalement ou physiquement) à tout le monde et semant la terreur dans le bus. A l’instar d’Entre les murs, si vous trouvez qu’il y a des paires de claques qui se perdent, c’est que le réalisme recherché est atteint.

Petit à petit, les occupants descendent du bus, changeant l’atmosphère générale et les comportements individuels à l’intérieur. Comme on suit en permanence ce qui se passe dans le bus, Gondry réalise une sorte d’exploit en mixant 2 genres à priori incompatibles: le huis clos et le road-movie. Voire le slasher movie si on considère que les personnages « disparaissent » un à un, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un (ou deux). Le film durant 1h43, on notera que les lignes de bus new-yorkaises sont sacrément longues et on aura une pensée émue pour ceux qui l’empruntent matin et soir tous les jours.

Véritable étude sociologique, bien que le réalisateur sen défende, ce film restera comme un marqueur de son époque, avec l’argot américain des jeunes (on ne dira jamais assez qu’un film se regarde en VO), ses smartphones qui semblent greffés aux mains, ses messageries instantanées, ces « vidéos virales » de Youtube (qui puvent devenir un critère d’exclusion quand on n’est pas dans la boucle)… Gondry mixe là toutes ses tendances: le bricolage inventif à base de carton-pâte (pour symboliser un homme en feu, on lui colle des flammes en papier, la patte la plus reconnaissable du réal), le film hip-hop (Soyez sympas, rembobinez était le film-sampler par excellence), les idées clipesques (certains flashbacks apparaissent à travers les vitres du bus), le docu (Block Party, L’épine dans le coeur…), la côte Est (Block Party, Soyez sympas rembobinez) et le résultat est toujours surprenant.

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Auteur : Romain
LeBlogDuCinéma
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le 23 sept. 2012

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