J'avais de Gore Verbinski l'image d'un réalisateur/faiseur avec un certain talent pour la mise en scène, les plans esthétisés, le travail sur la photographie inversement proportionnel à l'intérêt de ce qu'il racontait dans ses films (je pense notamment à "The ring" aussi superbe que parfaitement inutile, surtout vis à vis de l'original), un artisan photo avec du goût mais enfermé chez Disney, donc dans du calibré grand spectacle. Du hollywood qualité, dirons-nous.


Et puis les bandes annonces de ce "a cure for life" sont arrivées et montraient que Verbinski voulait apparemment taper dans du beaucoup moins gentillet avec une sorte de "Shutter Island" mâtiné de survival Horror.



Les complotistes en cure thermale



Lockhart, jeune cadre (trop) dynamique est envoyé chercher un de ses directeurs, parti en balnéothérapie en Suisse sans jamais en revenir, et qui vient d'envoyer au siège de son entreprise une lettre étrange, qui montre visiblement qu'il a perdu la raison. Une fois sur place, Lockhart est victime d'un accident de voiture et est pris en charge par les médecins...


L'acteur Dane DeHaaan est parfait dans ce rôle : maladif, vaguement antipathique et abritant sa nervosité et son agressivité derrière une fausse hébétude de type dépassé par sa propre existence, il a la gueule de l'emploi et le jeu qui va avec. On sent une pointe de démence dans son regard, comme s'il marchait sur le fil. Face à lui, Jason Isaacs, en chef médecin paternaliste, tient bien le rôle également, même si ce qu'on lui fait jouer manque clairement de subtilité (il n'a pas vraiment le mot "innocent" sur le front, on va dire...). Mia Goth, quant à elle, a un rôle un peu trop transparent pour qu'on puisse vraiment juger son jeu mais à défaut d'autre chose, a une certaine présence à l'écran, virginale mais légèrement malaisante, décalée et silencieuse. Le reste du casting est plus interchangeable - comprenez par là que les personnages ne sont que des mécaniques pour le scénario - ils jouent bien mais servent plus l'histoire et l'atmosphère que l'inverse.


Les dialogues font le café. Je ne vois pas comment le dire autrement : ils sont fonctionnels, pas mal écrits, pas transcendants non plus, ils servent le propos, ne sont ni trop ampoulés ni trop simplistes mais rien de vraiment percutant ne se dégage. Ils sont là et font ce qu'ils ont à faire, comme les personnages secondaires.


Attaquons maintenant le gros morceau : l'image



A cure for eyes



Verbinski l'avait déjà prouvé avec "The Ring", c'est un amoureux des plans quasi photographiques, des jeux sur la symétrie, le parallèle, les reflets, les couleurs froides et les visuels ciselés, chirurgicaux, presque. Ce n'est pas innocent si l'essentiel de l'histoire repose sur l'eau : Verbinski peut ainsi s'en donner à cœur joie sur tous ses fétiches visuels. Et le résultat est là. J'ai horreur d'aller au cinéma (il y a d'autres êtres humains) mais j'aurais vraiment trouvé dommage de ne pas voir "a cure for life" sur grand écran, tant chaque plan est pratiquement un tableau à lui tout seul. Il y a une recherche visuelle constante pour exploiter les décors, superbes, l'image du corps - malmené tout au fil de l'histoire puisque c'est la maladie qui est au centre du malaise ambiant - la pureté de l'eau qui passe au fil de l'histoire d'élément de vie à synonyme de mort. La caméra glisse, flotte, pourchasse presque les personnages, toujours au centre de son œil, dans des décors minimalistes, surréalistes (le film a une petite touche Magritte dans les couleurs et la composition), construisant un léger malaise et une sensation de bizarre désorientation, sourde et larvée. On sait que quelque chose ne va pas, on s'en doute avant même que Lockhart ne mette un pied dans l'hôpital mais la réalisation distille une impression de menace "sous la surface" qu'il est difficile d'identifier. On sait qu'elle est là. Pas ce qu'elle est ni où, ou plutôt qu'elle est partout. Si vous avez déjà vu "Suspiria", il y a dans "A cure for life" des touches "Dario Argento" assez évidentes, pour vous donner une idée de la qualité de l'ensemble.
Verbinski transforme ainsi l'essai de "The ring" avec un film plus personnel où il peut enfin construire son visuel avec une histoire qui lui convient plutôt que de le contraindre au film d'un autre.
Et c'est là que la surface se trouble, justement...



Au service de l'image



Je ne sais pas si c'est une déformation professionnelle mais j'ai grillé le "twist" dans les trentes premières minutes. Et par grillé, je ne veux pas dire que j'avais un vague pressentiment mais que j'avais compris le pourquoi de la présence d'Hannah et les intentions de ce "bon" docteur Volmer. Heureusement, ce n'est pas tant le "pourquoi" qui nous intéresse que le "comment", puisque la narration n'est pas pataude au point de dévoiler trop vite certaines zones d'ombre. Mais sur sa révélation "finale", elle manque clairement de finesse, en revanche.


Le scénario n'est pas mauvais mais très basique, inutile d'espérer être surpris : si vous suspectez quelque chose, vous avez 90% de chances d'avoir raison. Je disais plus haut que l'image savait très bien dissimuler la menace, l'histoire et son déroulement, par contre, ont du mal à tenir la longueur. Encore une fois, pas que ce soit mal foutu mais je n'ai pas pu me défaire de l'impression que tout à son visuel, Verbinski a laissé son histoire au second plan... ou pire, m'a incité à la laisser au second plan. On la sent au service du visuel du film plutôt que l'inverse. Ça reste un parti-pris plus qu'un défaut mais on évite pas quelques fausses notes un peu vilaines dans l'ensemble et qui, quelle coïncidence, sont toutes les scènes servant à narrer. Tant que Verbinksi pose son visuel, ses ambiances, ses personnages, tant qu'il laisse parler l'image et le silence, tout va bien. Quand on commence à avoir du texte ou du mouvement, le film devient bizarrement poussif, comme s'il nous tirait de l'étrange sensation cotonneuse dans laquelle il nous a plongé pour - mal - nous raconter comment l'histoire avance. Il y a un décalage très étrange, un peu comme si Verbinski avait lâché la caméra à son adjoint en lui disant "ça m'emmerde, tu peux me torcher ça vite fait que je retourne filmer mes acteurs dans l'eau ?". C'est d'ailleurs dans ces séquences - dont le final - qu'on sent encore l'influence "Disney" grand spectacle, qui tranche désagréablement avec une direction artistique jusque là aux petits oignons. Je passerai aussi sur les quelques trucs en image de synthèse, bien dégueulasses, qui se voient méchamment et viennent un peu gâcher l'intensité des scènes qu'elles viennent entacher (mention spéciale au cerf le moins convaincant que j'ai vu, ambiance PS3...).


Bref, sorti de son précieux hôpital, un peu comme son médecin chef, Verbinski perd ses moyens.


Le scénario est également émaillé des classiques petites incohérences/flous. Pas grand chose mais vu combien il est prévisible, il me semble quand même que le scénariste aurait pu un minimum faire gaffe (Ou alors Dan DeHaan est un axolotl et a des dents en adamantium, je sais pas).


Et puis il y a le plan final.


Et ce plan final, je ne sais pas quoi en penser. Il y a un décalage entre ce qu'il dit et ce qu'il montre dont je suis incapable de dire si c'est l'intention de Verbinski, une sur-interprétation de ma part ou... ou juste une fin trop abrupte. En tout cas il m'a laissé une impression étrange.



La maladie du spectateur.



Une impression étrange, c'est ce que m'a laissé tout "a cure for life", en fait. Déjà parce qu'il est difficilement classable, on ne peut pas vraiment parler de thriller ou de film d'horreur mais plutôt de film d'angoisse. J'ai l'air de pinailler et de jouer sur les mots mais c'est ce qui caractérise finalement le mieux le film : une angoisse. Une angoisse de voir le corps dépérir, une angoisse de la mort, de la décrépitude que le film nous balance à la gueule sans pudeur, une angoisse finalement très proche de celle qu'on ressent lorsqu'on arrive dans une salle d'opération et qu'on doit s'abandonner à une armée de médecins. C'est à peu près la même angoisse. Le film est moins "soft" que ce à quoi je m'attendais (on est pas dans les débordements de gore non plus) mais juste assez pour nous faire grimacer. La maladie est moins montrée via les scènes ou les dialogues dans "a cure for life" que présente en filigrane, imprégnant l'ensemble du film, une sensation discrète et déplaisante, légèrement hypocondriaque. Et si on est en droit, connaissant Verbinski, de penser que le final sera un remède, je lui ai plutôt trouvé des allures de placebo.


Au final, "a cure for life" sait très bien faire passer l'atmosphère et les sensations qu'il met en scène mais le doit plus à son image et sa réalisation qu'à son histoire. Dans la mesure où il réussit, est-ce vraiment problématique ? De manière totalement subjective, j'ai envie de dire oui, un peu, car avec une narration plus en finesse et en évitant ce final un peu trop grand-guignolesque , Verbinski aurait pu faire la nique à Argento et son "Suspiria", auquel il propose avec "a cure for life" une sorte de film miroir, dans son ton, son esthétique et son thème. On est pas encore au niveau du maître Argento, mais il y a du potentiel.

SubaruKondo
8
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le 19 févr. 2017

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SubaruKondo

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