CRITIQUE // DOHEE-YA DE JULY JUNG (A GIRL AT MY DOOR)

Il est toujours étonnant de voir avec quelle facilité la Corée arrive à traiter des sujets graves sans pour autant tomber dans le misérabilisme que ce soit dans le fond ou dans la forme. Certes, cette intelligence dans le traitement n’est réservée qu’aux bons films, car il est vrai, aussi, que beaucoup cèdent aux sirènes moralisatrices ne lésinant jamais sur les larmes, les cris et les violons.

Hier, c’était l’époustouflant Hope sur les conséquences, au sein d’une famille, d’une agression sexuelle sur une enfant. Plus récemment, avec Suneung, c’était la critique du système écolier qui prône une compétition “mortelle” entre les étudiants afin d’être sélectionné dans les meilleures écoles. Aujourd’hui, avec Dohee-Ya, c’est la violence physique sur une enfant, de même que la violence morale sur une femme.

La réalisatrice fait preuve d’une certaine efficacité pour installer une légère ambiance mystérieuse et angoissante tout en distillant des indices, çà et là, qui nous amènerons à deviner puis à prendre conscience du passé des personnages centraux.

July Jung opte pour le point de vue d’une jeune commissaire (Jouée par Bae Doona déjà vue dans The Host ou encore Sympathy for Mr. Vengeance) qui est mutée dans le commissariat local d’un village de pêcheurs avec ses propres us et coutumes, ses non-dits, ses rumeurs et qui n’accepte pas vraiment de voir de nouveaux arrivants.

Dès son arrivée, la commissaire va croiser à plusieurs reprises une mystérieuse petite fille, Dohee-Ya (jouée par Kim Sae-ron, qui était l’enfant protégé dans l’exaltant The Man from Nowhere), muette dans un premier temps mais surtout qui semble être délaissée par une quelconque autorité.
Interpellée par l’état de Dohee-Ya, la commissaire sera rapidement témoin de violences quotidiennes envers la petite fille (de la part des écoliers comme de la part de sa famille). La commissaire décide donc de faire tout son possible pour améliorer la situation de Dohee-Ya quitte à aller à l’encontre des règles implicites du village.

Il est évident que July Jung, également scénariste, apporte un regard féminin et militantisme sur son histoire. Même s’il n’est pas rare de voir un personnage féminin fort et important dans le cinéma asiatique, la réalisatrice dénonce plusieurs dérives de la société Coréenne en confrontant son personnage à l’alcoolisme, l’homosexualité, l’agression sexuelle, l’agression morale, les violences quotidiennes sourdes, la passivité des autorités, la prédominance des hommes, le poids établi de la société.

L’abondance de thèmes délicats peut craindre une overdose si ce n’était pas traité avec subtilité et si les personnages ne tentaient pas d’améliorer leur propre situation pour retrouver une paix intérieure et une joie de vivre.

On aurait aimé que la cinéaste fasse un sans-faute de bout en bout en restant intègre dans la finesse de son traitement et ainsi nous offrir une œuvre puissante malgré quelques incohérences (Les services sociaux ne sont jamais cités… Sont-ils inexistants en Corée ? Nous ne le saurons même pas) peu préjudiciables à l’ensemble jusqu’à un certain point.

Et malheureusement, July Jung trébuche lamentablement en toute fin de parcours (une fois l’un des personnages incarcérés) avec une séquence totalement invraisemblable de mauvais goût qui trahit totalement le ton, la véracité des personnages et la subtilité des propos. Une partie finale qui laisse un gout amer malgré un développement plus qu’encourageant.

Dohee-Ya (A girl at my door) de July Jung // Sélection Un Certain Regard (Cannes 2014)
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le 12 juin 2014

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