Jack est un trader qui a fait le mauvais placement de trop. Fauché, sans emploi, et influencé par une course poursuite entre son taxi et un cycliste, il décide de changer de vie et de devenir, wait for it, coursier à vélo.

On est à New York en 1985 et c'est la genèse du vélo urbain, mais aussi celle d'une communauté qui, déjà à cette époque, se revendique underground.

Le sexappeal du bike messenger est tout d'abord omniprésent.
Jack rentre d'une rude journée à slalomer entre les voitures, il regagne son hangar-maison, copie conforme du loft de l'héroïne de FlashDance, on comprend vite que soit coursier ça gagne bien (cf Larry Fishburne qui deale avec la mafia des gitans et qui livre probablement des armes de la dope, ou whatever, du moment que le blé tombe) soit les loyers à Manhattan sont ridiculement bas. En tout cas il a besoin de place, parce que son activité conjugale favorite, à part le sexe, c'est de danser avec sa copine qui est dans un corps de ballet, elle sur ses pointes, lui sur sa selle.
On a une jolie métaphore filée sur l'érotisme des chaussons de ballerine opposés au rude guidon, on sent que ça glisse tout seul.

Ensuite, ta hiérarchie dans le groupe se mesure à la valeur de ton équipement. De tout temps, les cyclistes sont obsédés par le beau matériel. Ils font des remarques continuelles sur les roues, même sur celles de la camionnette du vendeur de hot dog.
Déjà, une sorte de discrimination, que dis je une cabale à peine déguisée frappe les coursiers qui gardent leur dérailleur. Il faut dire qu'à l'époque, les vitesses se changeaient sur le cadre, ce qui devait faire perdre en célérité mais là n'est pas la question, il s'agit visiblement de prouver sa force et sa virilité en single speed.
Au sommet de la chaîné alimentaire, évidemment, les coursiers en pignon fixe, qui dominent tout ces pleutres en roue libre. On les reconnaît à leur manie de pédaler en arrière pour tâter le cul des passantes, ou à faire les street-bike-dancer-guetto-blaster en se tenant à l'envers les deux bras sur le guidon et les pieds dans l'éternité, ce qui est, entre nous, le meilleur moyen de pécho de la pré-hipster, ou, éventuellement, de se casser les dents.

Car le bike messenger est poseur. Mais poseur cool, désinvolte, détendu.
Il y a une scène de bike dance absolument réjouissante, qui n'a absolument pas vieillit, dans le sens où elle aurait pu être tournée aujourd'hui dans le 9e arrondissement, avec les mêmes vélos, les mêmes fringues, les mêmes coupes de cheveux, et la même musique. Rien ne se perd, tout se récupère, on pose quelques filtres ocres et on uploade ça sur viméo, avec comme titre « a cool moment with friends » Pendant ce temps là, Kevin Bacon ne sait pas descendre de son vélo, il saute en arrière et rattrape son engin par la selle, c'est ridicule.

Le bike messenger est parfois confronté à des questions cruciales. Est ce qu'il fait un vrai métier, ou est ce que c'est juste un job alimentaire ? Ainsi, Jack prend un café avec un de ses anciens collègues traders. Ce dernier tente de le faire revenir dans le droit chemin de la finance en lui disant qu'il y a toujours une place pour lui chez Parker & Jone's et qu'il était le meilleur dans son domaine.

Notre héros essaie de lui faire comprendre le kiff que c'est de vivre libre à deux roues, de juste payer son loyer et d'avoir un peu de sous de côté, de faire un métier simple qui ne fait de mal à personne et de parcourir les rues le nez au vent, sans attaches et dans la joie et la paix.
L'argument fait moyen mouche attendu que le trader aime bien ses avions, ses rolex et ses cravates mais le spectateur est saisi par la passion de Jack et décide sur le champ d'occupy la boutique de cycles. Enfin moi en tout cas j'ai fais « AWWW mais c'est trop vrai. »

Cependant le démon de la finance poursuit toujours notre coursier en rédemption, et il ne peut pas s'empêcher de donner des tuyaux à ses copains à vélo, genre mise tout sur Apple tu vas voir je le sens bien.

Il fallait à un moment où à un autre introduire un peu d'action, et un peu d'antipathie. Larry Fishburne fait comprendre à Jack que c'est pas avec son cerveau qu'on roule. Il lui lance un défi, un genre de course d'orientation de l'enfer. Les autres coursiers parient sur le meilleur coureur et celui qui gagne rafle la mise. Tous les coups sont permis.

Jack temporise, it's just a job, it's not a game, we've got deliveries to make, mais c'est trop tard. Au final, la course est bon enfant, on voit une belle ébauche de complicité interraciale,

(J'attendais un peu à ce moment là un match de bike polo, mais malheureusement, non. Grosse déception.)

Mais un drame survient et le cours du film change complètement : commence alors le combat immémorial de l'automobiliste magouilleur, fourbe et dangereux contre le cycliste idéaliste, malin et véloce.

On devine sans peine qui gagne à la fin, d'autant que le cycliste attrape easy les numéros de téléphone des secrétaires de direction.

En résumé, cycliste du quotidien et de l’extrême, tu dois voir ce film. Tu vas trouver tout absolument cool, trop bien, géant, tu vas faire des commentaires techniques, tu vas te désintéresser de l'action pour observer comment les mecs montent leurs bécanes, car là est l'essentiel. Un beau film, avec de beaux vélos et de l'amour.

Créée

le 3 août 2012

Modifiée

le 3 août 2012

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LioDeBerjeucue

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