About Cherry
4.7
About Cherry

Film de Stephen Elliott (2012)

Présenté au Champs Elysées Film Festival, Cherry fait partie de ces films au pitch racoleur qui fait naître une curiosité certaine par le sujet qu'ils abordent : l'industrie du porno. Je ne m'en cache pas, c'est après la lecture du pitch et la découverte de la présence au générique de quelques noms (James Franco, Heather Graham, Dev Pattel) que je me suis décidé à y aller.

Si le nom du réalisateur Stephen Elliott ne vous est pas familier, Cherry n'est pas à proprement parler sa première expérience avec le cinéma. Ancien strip-teaseur, jadis acteur porno gay et écrivain, il passe de l'autre côté de la caméra pour livrer ici un drame sensible fortement inspiré par son passé et par les codes qui entourent le milieu. Cherry raconte l'histoire d'Angelina, une jeune adulte à peine sortie de l'adolescence évoluant dans un milieu peu favorisé. Un père violent, une mère junkie, une sœur en bas âge, on pourrait songer à la famille de Matilda dans Léon. Sauf qu'ici les énergumènes ne prête pas à sourire, juste à avoir de la pitié. Et ce contexte misérabiliste sera d'abord la motivation pour s'initier aux gentilles photos de charme puis ensuite à tenter l'aventure à San Francisco. Easy money à la clef, la prise de conscience de montrer de dévoiler son corps pour s'affranchir des problèmes d'argent est rapide et d'une certaine manière presque légitime. Car si la chute est progressive, sournoise, évidente, les choix forcément difficiles restent motivés par une réelle manière de s'en sortir et de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.

Et le travail d'abord alimentaire se transforme au fil du temps en plaisir, un plaisir procuré par une véritable sensation de cocooning procuré par milieu du porno. Protecteur, rassurant, jamais violent, l'environnement des productions X dans lequel évolue-la désormais Cherry ressemble plus à une sorte de club entre copines qu'à la méga orgie salace du coin. Et c'est finalement ce décalage que le film cherche à mettre en exergue voire à pointer du doigt. Bien loin des clichés des filles perdues ou nymphomanes se réfugiant dans ce milieu par quête de célébrité parce qu'elles sont addicts aux drogues, Cherry montre comment une jeune fille appréhende avec intelligence ce monde pour y évoluer, franchir les étapes et arriver en haut de l'échelle sociale petit à petit. Un parcours rarement évoqué à l'écran mais que l'on sait possible (bon nombre de réalisateurs X ou stars du X sont aujourd'hui de véritables stars dans leur domaine et managers ou actionnaires de grosses boites) et qui vient contrebalancer une vision systématiquement dédaigneuse.

Malgré tout, si le réalisateur aborde avec tact et sensibilité cette évolution, le fond de son discours reste régulièrement ambigu et l'on ne sait jamais vraiment les motivations implicites qui l'ont poussé à faire ce film. Oscillant entre milieu chic et chouette et ramasseur de misère, l'entreprise X n'est finalement pas l'élément central du long-métrage mais bien un catalyseur à talent pour le cas d'Angelina. Avec plus ou moins de subtilité et pas le biais des personnages secondaires comme Dev Pattel (le bon copain qui ne deviendra jamais le petit ami qu'il espère) ou James Franco (riche héritier junkie), Cherry met en lumière le côté destructeur sur le plan social. S'il met fin aux relations traditionnelles d'amour et d'amitié de par le côté « divergeant » et difficilement compréhensible pour un entourage n'y évoluant pas, il peut s'avérer un levier d'épanouissement pour certaines jeunes filles plus fortes que la moyenne et qui dompteront le milieu, en ne perdant jamais leur lucidité et ce pour quoi elles font cela.

Avec un discours de fond pas inintéressant mais dont on ne distingue que rarement le parti pris du réalisateur, Cherry est victime d'un problème de rythme assez évident que l'on attribuera à l'inexpérience de Stephen Elliott. Profitant bien souvent de la plastique agréable de son actrice principale (déjà vue brièvement dans Chronicle), il n'hésite pas à justifier par la thématique le fait de la faire se dénuder pour tout et n'importe quoi, y compris lors de séquences purement veines. C'est parfois pertinent, souvent voyeuriste et gratuit. Pourtant, Cherry a pour lui de s'éloigner des clichés sexistes et vulgaires souvent attribués au milieu. Beaucoup y verront une vision travestie de la réalité mais le passé du réalisateur tend à penser que cette réalité relativement clean existe bel et bien. Pur film indépendant qui répond à l'ensemble des codes régissant ce type de production, Cherry n'en reste pas moins un parmi les autres, dispensable, parfois amateur, mais plutôt original par le choix de la thématique. Pour l'instant, aucune date n'est programmée pour la sortie. On sait juste qu'il pourrait être visible dans les salles début 2013.
mcrucq
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le 18 juin 2012

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Mathieu  CRUCQ

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