Africa
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Court-métrage de Naïm Aït-Sidhoum (2017)

On parle toujours d'autre chose

Le film raconte la tentative de construire un spectacle de théâtre avec des "jeunes de quartier" (désolé pour ce genre d'expression que je déteste), spectacle participatif où les jeunes peuvent décider le thème, comment ils vont le traiter. Projet passionnant, mais ambitieux, et pas simple à mener. Déjà le thème provoque des débats : un spectacle sur l'Afrique ? Le film nous montre alors une discussion sur l'identité des uns et des autres : perçus par certains comme Africains du fait de leur couleur, certains se sentent bien davantage Français... On voit que les choses ne sont jamais simples. Le metteur en scène est parachuté, il est ouvert, essaie de s'appuyer sur les jeunes, mais ce qu'il propose ne convient pas vraiment, notamment parce qu'il y a des codes qu'il ne maîtrise pas, dans ce genre de quartier, il ne faut pas étaler ses sentiments...


Le scenario est ici mis au profit d'une réflexion sur les identités, mais aussi sur la nature même de ce que l'on représente et de comment et pourquoi on le fait. On pense immédiatement aux polémiques suscitées par le spectacle Exhibit B de Bret Bailey, et une scène de migrants sur un bateau, suivie des remarques de comédiens en herbe, aborde explicitement la question de la dignité de la représentation. On voit dans tout ce film la difficulté qu'on a tous, même avec les meilleures intentions, pour s'ouvrir aux autres. Ici, le metteur en scène comme les jeunes peinent à s'entendre et à sortir des clichés et de leurs représentations.


Le film se passe à la Villeneuve de Grenoble, quartier difficile où de nombreuses associations font un travail formidable, dont Les films de la Villeneuve. Il y a là une équipe qui semble bien travailler, et où les rôles peuvent varier : Demis Herenger, qui avait dirigé l'excellent Guy Moquet, est ici acteur, dirigé par Naïm Aït-Sidhoum, mais les autres acteurs ont pour beaucoup déjà joué dans Guy Moquet.


On se demande un peu où va le film, il s'enfonce dans une jungle qui perturbe les jeunes comme le spectateur, on se demande si l'on ne va pas dans le mur, avant que le film ne se dirige vers ce qui est le plus beau, l'amour. Finalement, c'est sans doute de ça que parlent Guy Moquet et Africa, d'amour. Car oui, il faut le dire et le redire, il y a beaucoup d'amour dans les quartiers comme la Villeneuve, même si les médias ne mettent en avant que les difficultés et la violence. Les deux films se ressemblent plus qu'on ne le croit, au-delà des deux personnages amoureux que l'on retrouve dans les deux films. Il est difficile de clamer son amour à celui qu'on aime : si le garçon faisait sa déclaration au milieu d'un lac dans Guy Moquet, il trouvera ici une façon originale de dire ce qui n'était peut-être pas si évident qu'on pouvait le penser, malgré les apparences. En tout cas le film se termine très joliment, avec la superbe chanson de Lionel Richie, Hello !


Merci à Naïm Aït-Sidhoum et aux Films de la Villeneuve d'aborder des questions importantes et d'apporter un peu de nuance sur des sujets souvent traités de façon caricaturale.


Sur le film et ses dimensions fictionnelles et documentaires, voir l'excellent article de Kévin Horngren.

socrate
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le 14 févr. 2019

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socrate

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