C'est un grand bâtiment grisâtre qui n'est pas sans rappeler l' architecture administrative soviétique. Et dans ce bâtiment, des employés arrivent, le lundi, pour prendre leurs postes. On leur dit qu'ils devront s'occuper d'une vingtaine de personnes cette semaine. Une vingtaine de personnes récemment décédées.
A chacune, un employé (un fonctionnaire post-mortem ?) tient le même discours : "vous venez de mourir. Vous avez deux jours, jusqu'à mercredi soir, pour choisir un seul de vos souvenirs. Ensuite, ce souvenir sera filmé par nos soins, sous votre direction, et vous l'emporterez avec vous quand vous irez dans l'au-delà."
Et le film va nous montrer cette semaine très émouvante pour les "patients" (?). D'abord le choix du souvenir, ce qui n'est pas de tout repos. Il y a ceux qui trouvent tout de suite, et puis les autres : ceux qui changent constamment, ceux qui ne savent pas, et même celui qui refuse de choisir. Le film se fait alors suite de témoignages, succession de plans fixes sur de nombreux visages qui racontent un épisode de leur vie. Des moments précieux qui dessinent ; j'ai même pu lire que certains de ces témoignages n'avaient pas été scénarisés, mais sont d'authentiques souvenirs d'acteurs non professionnels qui ont leur scène dans le film.

Cependant, le film a déjà atteint, à ce moment-là, une de ses limites. Car si ces témoignages sont filmés avec sensibilité, sans jamais la moindre tentation voyeuriste, ils sont également dénués de la moindre émotion. Ces scènes ne se limitent, finalement, qu'à un défilé de personnages qu'on ne reverra plus (pour une bonne partie d'entre eux) montré de façon froide. Du coup, j'ai eu beaucoup de mal à ne pas décrocher.
Et cette impression me restera pendant tout le film. Malgré mes efforts pour m'intéresser à tout cela, j'ai eu toutes les difficultés du monde à vraiment entrer dans le film et m'y maintenir.
Mais cela n'empêche pas que le film réserve, quand même, de bons moments. Quelques plans contemplatifs très réussis. Et de multiples réflexions sur la place que nous laissons à nos morts. Parce que, paradoxalement, ce film dont les personnages sont morts nous interroge nous, vivants, sur le respect de nos ancêtres (thème très important dans la culture et la religion nippone) et la nécessité pour nous de les garder vivants dans nos souvenirs.
Un autre thème essentiel est celui du cinéma (et, par extension, de l'art en général). L'art comme élément constitutif de la personnalité, de l'identité d'une personne. Une réflexion aiguë.
En conclusion donc, un film qui, en théorie, est excellent, original, intelligent, mais qui se perd trop et oublie ses émotions.
SanFelice
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le 5 févr. 2013

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