L'Agora chez les Grecs, c'est le lieu où on se rencontre, où on parle politique, où on échange. Pourtant, ce qu'Amenabar nous donne à voir, c'est tout sauf du dialogue. Tout le long, on suit Hypathie (Rachel Weisz, toujours aussi performante tant en ingénue qu'en génie), un grand nom de la philosophie et de l'astronomie dans le monde grec décadent. Elle progresse au fur et à mesure de ses rencontres, de ses débats, notamment avec son élève et ami Oreste (Oscar Isaac, pas dans sa meilleure performance cependant...), qui bientôt devra faire face au poids des responsabilités et à la pratique d'une justice impartiale sur Alexandrie. Et de l'autre côté de l'Agora, on trouve les Chrétiens et les Juifs.
Pourquoi Amenabar souhaite-t-il nous montrer le fanatisme des Chrétiens, pourquoi veut-il autant l'accentuer ? Je ne pense pas que ce soit un film biaisé entièrement contre la religion monothéiste, contre les ravages qu'elle impose. Oui, Davus, après l'échec amoureux (et donc passionnel) avec Hypathie, se fait enrôler par Ammonius chez les Chrétiens, chez qui il trouve une nouvelle vocation. Mais les démonstrations d'empathie, de générosité que les Chrétiens font tout au long du film ajoutent une nuance au massacre des Infidèles. C'est un film de rencontre, mais aussi un film de friction : et il est éminemment actuel. Le choc des religions ne date pas du IVe siècle; de plus, une femme philosophe, ça ne s'est jamais vu non plus chez les Grecs. Amenabar a avant tout pris un épisode très représentatif dans les faits pour en faire une réflexion très générale sur la tolérance, sur l'émulation intellectuelle. Perdre le contact, stigmatiser, c'est avant tout s'amputer d'une opportunité de progresser dans la connaissance. Et quand Hypathie a découvert que l'orbite des planètes décrit une ellipse et non pas un cercle, elle est lapidée par les Chrétiens.

Amenabar semble être (comme moi) un amoureux de la connaissance; et on sent qu'il souffre lorsqu'il voit des philosophes stigmatisés. Ajoutez-y la facette égalitariste, anti-prosélyte. Je pense qu'il faut avant tout voir une ode à l'intelligence et à la réflexion.

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le 15 juin 2014

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Alexandre G

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