Aladdin
7.5
Aladdin

Long-métrage d'animation de John Musker et Ron Clements (1992)

Pour un quatrième voyage au cœur des terres du studio au rongeur chicotant, le résultat est excellent : Aladdin approche les meilleures productions dudit studio, proposant une oeuvre de qualité : l'intrigue tient debout, les personnages ne sont pas (trop) traités artificiellement, le méchant en jette sérieusement, les chansons passent (presque) toutes plutôt bien, l'image atteint parfois des sommets, nous montrant les prouesses de l'époque notamment dans la Caverne aux Merveilles qui nous offre des jeux d'ombres magnifiques.


Mais ne nous emballons pas, procédons par ordre, j'aime bien l'ordre après tout. L'intrigue : bien menée, sans temps mort et loin des niaiseries parfois coutumières du studio, elle propose une relecture du mythe du prince amoureux de la princesse en transformant le prince en mendiant, en "vaurien". Pour une fois, prince et princesse ont un semblant d'épaisseur, l'un tiraillé par son mensonge et l'autre par le fardeau de son statut social. Et là où le Bossu se perdait dans la portée de son message, Aladdin reste clair : le but est d'offrir une ode à la liberté dans le ton le plus juste qui soit, à la portée des plus petits comme à celle des plus grands, donnant de la profondeur à une intrigue qui peut paraître simple au premier abord. Les symboles (comme souvent) sont d'ailleurs évocateurs : au début du film par exemple, les oiseaux qui s'envolent de la cage et que Jasmine regarde avec mélancolie. L'aliénation est le contrepoint parfaitement décrit à la liberté : celle du Génie à sa lampe, d'Aladdin à sa condition, de Jasmine au palais, de Jafar à son ambition. Ce qui m'a particulièrement frappé lors de ce revisionnage c'est l'accent mis sur l'équation pouvoir = solitude : Aladdin a réussi à séduire Jasmine mais se retrouve finalement seul, délaissant ses amis ; le Sultan est puissant, mais en permanence esseulé ; Jasmine est fille du Sultan, croule sous les prétendants, mais ne rêve que de ne plus être la "fille de" ; et Jafar cherche à tout prix à être le plus puissant, et par conséquent à être profondément seul ce qui le conduira à parler avec son plumeau rouge horripilant et accessoirement sa solitude le conduira à sa perte.


En parlant de Jafar, un petit arrêt sur image s'impose : Disney nous propose un de ses méchants les plus badass qui ait été créé. Mise à part l'image en lien que vous venez sans doute de voir (l'a pas l'air tout gentil ce pitit vizir ?) qui m'a (encore) fait salir mon pantalon, il faut lui accorder une présence à l'image assez époustouflante. La deuxième apparition du vizir est probante : on ne voit d'abord que son ombre sur la maquette d'Agrabah, symbole de domination totale, mais discrète, de la cité. Les plans marquant présentant le grand vizir sous son jour le plus sombre sont légions, inutile d'en faire ici l'étalage. En bref, il a la classe quoi.


Cela étant, il va bien falloir lui trouver des défauts à ce film et pour être honnête, il en a, à commencer par la chanson Le rêve bleu. Je vais m'efforcer de rester courtois en me contentant de dire que c'est une des chansons les plus débiles que Disney est jamais faite : c'est dégoulinant d'une guimauve sucrée de mièvreries, l'accompagnement musical est loin d'être bon, et les paroles... sont catastrophiques. Mais fort heureusement le film recèle de très bonnes choses parvenant presque à éclipser cette... horreur, comme l'idée du tapis (muet) comme sidecick : une idée originale qui renouvelle un peu le statut de ce type de personnages et donne lieu à des comiques de situation appréciables.
Une mention spéciale également aux doublages français, de très bonne facture, tout particulièrement Féodor Atkine envoûtant en Jafar.


Une très bonne expérience donc, qui donne envie de poursuivre l'aventure dans les terres Disney, en espérant que la suite sera tout autant convaincante que ce film-ci.


L'ensemble de mes pérégrinations au sein du studio, c'est par ici.

Créée

le 2 sept. 2015

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Xavier Petit

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