L'homme de tous les excès et de la grandeur : Alexandre, "fondateur" mythique des Lagides

Commencer en disant que je suis en admiration devant Alexandre le Grand, ça relève du pléonasme ^^ J'avais d'ailleurs regarder la version courte, il doit y avoir dix ans ou quelque chose comme ça et je la trouve bonne mais sans plus. Donc ça relève de la plus grande évidence de dire que j'ai adoré cette VL quoi certains choix sont assez étranges, à mon goût. Et chose qui pourrait surprenante si vous avez lu mes critiques, ce film pourrait bien (pour moi, en tous cas) concurrencer le grand péplum de Joseph L. Manckiewicz sur la plus digne héritière de cette grande figure qui "réconcilie l'Orient et l'Occident" mais divise ses propres hommes et ses propres compatriotes. Mais passons à une vraie critique après ces préliminaires.


Une reconstitution qui peut se tenir de la grande épopée d’Alexandre avec une part d’idéalisation, très certainement qui contribue au mythe de ce grand Conquérant. Par contre, l’ordre des scènes est un peu étrange et donne un peu un aspect confus, par certains moments : on un a fil conducteur qui est, certes, le récit de Ptolémée mais l’ordre chronologique ça n’a pas l’air d’être leur fort… j’ai tout de même aimé ce concept de voir le fondateur avéré des Lagides qui rapporte l’épopée de celui qui tient une telle place dans leur dynastie en tant que leur "fondateur" mythique, notamment, et grande référence en particulièr pour la dernière d'entre eux qui a peut-être et dans une certaine mesure tenter de reconstituer l'empire de celui-ci qui avait explosé après les partages de Babylone (323 av JC) et Trisparadisos (vers 320 av JC) entre ses lieutenant et successeurs, les diadoques qui deviendront ensuite les monarques hellénistiques (en 306/305 av JC).


A chaque fois que je vois une scène en Egypte et plus encore dans les premières quand on voit Ptolémée I, j’ai déjà l’impression de me retrouver des siècles après avec les autres Lagides surtout quand je vois le phare fini alors que les scènes en question se passe en 285 av JC. Ce qui me choque un peu vu que c’est Ptolémée II qui en a fini la construction. (la construction n’a commencé qu’en 289 ou 299 av JC, en plus….) et dans la même idée pour la bibliothèque qui est elle aussi finie si ce n’est entièrement construite par le dit Ptolémée II…


Avant ce récit justement, le rendu de la scène de la mort d’Alexandre qui ouvre le film paradoxalement est très bon avec ce geste qu’il a de lancer son anneau qui pourrait faire un écho au « Kratero », qu’il prononcé en l’enlevant. On voit déjà ici, un peu de cette ambiguïté sur l’identité de celui qui devrait lui succéder à la tête de l’empire comme si celui qui le ramassait serait celui qui en est digne et donc, du coup, des guerres entre ses diadoques qui vont éclater.


Quel que soit le vrai responsable de la mort de Philippe de Macédoine, c’est pour moi bien vu d’inclure une scène où Alexandre essaye de convaincre ses hommes que ce sont les Perses qui sont derrière, ça fournit un autre argument de propagande, peut-être pas avéré par contre (il présentait plus les guerres contre les Perses comme des représailles contre les Perses à cause des guerres médiques) mais c’est un détail.


Puis en ce qui concerne les fameuses scènes qui soulignent son homosexualité prétendue, je ne pense pas qu’elles soient très utiles. Elles sont un peu anecdotiques et ne servent pas trop le propos du film qui était de relater sa grande épopée mais elles donnent une épaisseur au personnage.


Quoi qu’il en soit, le film reste quand même assez hollywoodien dans le sens où on a le droit à un discours d’Alexandre qui appuie bien sur la différence entre les Perses et les Macédoniens, qui serait des hommes libres, ce qui est un peu oublié au passage que la monarchie d’Alexandre était autoritaire, quand même (et ça n’est pas aller en s’arrangeant)


Détail qui fait que la bataille de Gaugamèles ne se tient pas telle que reconstituer : Alexandre comme ses diadoques après combattaient entourés de leurs gardes du corps au centre et pas sur une des ailes. (c’est un peu plus logique…là, le film va peut-être un peu trop loin en le montrant qui s’expose à ce point).


Dans la même logique et pour nous montrer un roi civilisateur (ce qui participe dans une certaine mesure du mythe), l’anecdote du jeune Alexandre qui est le seul à pouvoir monter Bucéphale alors que c’est un cheval indomptable est reprise et je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours aimé cette anecdote, sans doute parce qu’elle va très bien dans le sens de l’Alexandre sur-homme, certainement (même si absolument rien ne prouve qu’elle est vraie et qu’il y a plus de chances pour qu’elle a été fabriquée après la mort d’Alexandre, en plus). Il semblerait donc qu’à défaut de proposer une reconstitution historique exacte, Oliver Stone prouve qu’il connaît très bien la légende d’Alexandre, ce qui avec des figures mythique comme lui est à peu près pareil.


On a également presque tous les grands moments : l’entrée d’Alexandre à Babylone bien somptueuse, sur ses origines aussi son prétendu lien avec Zeus qui est pas mal évoqué, les moments de tensions par rapport à la tournure que prend son règne qui est de plus en plus assimilé par les Grecs et Macédoniens à une tyrannie (le summum de ces tensions c’est bien entendu quand Alexandre assassine dans sa colère Cleitos et le regrette et aussi quand il demande un statut quasi-divin qui renvoie à un scandal du au fait qu’il voulait introduire la proskynèse, cérémonial perse dans sa cour ce qui est mal vu car entre autre, les Greco-Macédoniens prennent ça pour le fait que Alexandre veut se faire reconnaître comme un dieu. Il s’agit en fait de s’agenouiller devant le roi ou plutôt Grand Roi, ce qui en Grèce est la position à adopter devant les Dieux ou quand on est suppliant : je renvoie à une scène du Cléopâtre parce que je ne peux pas m’en empêcher ; celle où la reine des reines demande à Antoine de s’agenouiller en ajoutant derrière qu’il est suppliant et qu’il doit assumer cette position d’où la demande ou plutôt son exigence, comme elle le dit ^^ Au-delà du comique de la scène, ça fait totalement sens vu qu’elle est Grecque, Macédonienne pour être plus exacte), les épigones (dans le premier sens du terme c’est-à-dire les 30 000 soldats perses entraînés à la Macédonienne et incorporés à l’armée) sont aussi évoqués etc mais le gros manque c’est quand même la fondation d’Alexandrie et la conquête de l’Egypte ou encore la bataille du Granique, qui sont des passages tout aussi fondamentaux. On a d’autres choses tout à fait fondamentales aussi comme « la demi-macédonéité » d’Alexandre qui éclate bien et tout ce qui va avec c’est-à-dire le septième et dernier mariage de Philippe avec une aristocrate macédonnienne nièce de son compagne Attale pour avoir un héritier mâle, sensée se nommer Cléopâtre (aucun rapport avec les Lagides ^^) mais qui dans le film finit par se nommer Eurydice dans un mix pas très heureux avec une autre de ses épouses, je crois. Et du coup, de ceci découle « la demi-bâtardise » d’Alexandre puisque l’aristocratie et Attale en particulier considérerait les enfants issus de ce mariage comme plus légitimes car de pur sang macédonien. On a encore la conjuration d’Hermolaos qui est évoquée et l’on voir donc son suicide, la conséquence logique, ainsi que l’élimination de Parménion qui est conséquence de la conjuration de Phylotas (on voit le personnage mais il me semble que ça conjuration n’est pas abordée…). On continue avec - l’ordre n’est peut-être pas le bon - la sédition d’Opis et l’arrêt de la conquête sur l’Hyphase aussi, la bataille contre Poros et sa cavalerie d’éléphants qui est, pour moi, la plus réussie et la plus impressionnante visuellement etc


Bien sûr, ce qui est très important et le déclencheur de pas mal de choses quand on parle du Conquérant est présent : c’est le meurtre de son père par un garde du corps traître, Pausanias, et donc l’avènement d’Alexandre qui en est la suite logique. Petit point négatif, je trouve que telle que placée dans la VL elle s’insère mal : la mettre au début aurait eu bien plus de sens. Autre chose qui ne va pas : Alexandre proclamé roi par Hephaistion, je ne sais pas d’où ça sort mais c’est tout sauf exact historiquement surtout si rapidement, en zappant toutes les oppositions et oubliant au passage le personnage de Philippe-Arrhidée, son demi-frère (qui va devenir Philippe III à sa mort et co-régner avec le fils posthume d’Alexandre et de Roxane, Alexandre IV Aigos).
Dans tout ça, ce que j’ai aimé c’est la forme : Ptolémée qui raconte ses souvenirs et ça fait un écho direct à ses mémoires, qui ont brûlées dans la bibliothèque d’Alexandrie lors de l’incendie, a priori.


Voilà, dans ce film on a donc bien Alexandre présenté comme l’homme de tous les excès, le grand conquérant etc. je crois que son portrait est pas mal exact, quoi que un peu amélioré peut-être mais moins que ce que je me serais attendu pour un film hollywoodien ^^ Autre point qui me gêne : la correspondance entre Aristote que l’on voit dans le film et qui cadre parfaitement avec leur relation en fait c’est de la belle grosse erreur vu qu’elle a existée mais qu’elle est apocryphe donc autrement dit elle a été forgée et même bien après la mort des deux : elle vient du roman d’Alexandre qui date du moyen-âge.


Dans des incohérences ou autre de ce genre, j’ai bloquée sur une scène où il est plus que clairement insinuer que Olympias a commandité le meurtre de Philippe II. Soit cette scène, soit elle est mal jouée, soit elle aurait pu être traitée mieux par Stone et par mieux j’entends avec plus de nuances parce que j’ai eu un peu l’impression qu’elle est balancée comme ça (je ne critique pas le choix scénaristique de la scène qui est bon et s’intègre parfaitement à mon sens), alors qu’il y a de fortes probabilité pour que ça soit une faute historique flagrante même si à vrai dire, on n’en a pas de preuve.


Autrement, le film boucle aussi bien avec son retour à Babylone, qui est présentée comme sa capitale (quoi que ça ne soit pas sûr qu’il ait voulu en faire sa capitale, justement) et également son projet de conquérir l’Arabie, qui pour le coup est assez avéré. Et c’est là où le film nous ramène sur la scène de sa mort, qui se trouve aussi au début :fume: (je me demanderais toujours pourquoi. Elle est bien mieux au niveau cohérence en fin). D’un autre côté, fait ainsi ça nous donne un beau cycle. Dans cette scène, l’aspic qui traîne, c’est un détail que je ne peux pas ne pas noter parce qu’il m’a toujours fait demander ce qu’il foutait là : serait-t-on déjà aussi en même temps, trois siècles après ? Bref, il m’intrigue mais il n’a pas forcément d’importance, je pense si ce n’est qu’on peut le voir comme un symbole du fait qu’Alexandre a conquis l’Egypte parce qu’il rappelle forcément l’uraeus pharaonique (qui est fait un aspic/cobra égyptien femelle. sensé protéger : paradoxal qu'il soit tellement associé à la mort, surtout d'Alexandre... )


D’ailleurs, reboucler sur cette scène, ça sert parce que j’ai cru enfin entendre le fameux « kratérô » qui va diviser les diadoques. Cette fin, je l’aime mais elle se contredit un peu parce que Ptolémée affirme l’empoissonnement (ce qui, au passage, est trop s’avancer historiquement) et puis après le nie (plus probable qu’il soit mort de malaria, en fait, qu’empoisonné). Mais c’est le mérite de cette fin étrange que d’évoquer ces deux grandes thèses sur la mort mystérieuse d’Alexandre.


Après ça, le film déborde un peu de son sujet en évoquant rapidement quelques étapes de la guerre des diadoques, qui est la suite tout à fait logique du processus. Les dernières images ne devraient pas exister parce que la bibliothèque n’a rien à faire à cette époque (285 av JC) mais ça fait tellement de sens avec Ptolémée I Sôter qui est en train de « dicter ses mémoires » que j’ai eu envie de le laisser passer cette incohérence.


En fait, j’ai envie de laisser passer pas mal d’incohérence dans ce film parce qu’on est tellement pris, avec ces scènes épiques, des reconstitutions fidèle ou presque, un portrait qui comme je l’ai dit doit sûrement être parmi ce qui il y a de plus juste dans ce film avec sa dose d’idéalisation, quand même, parce qu’on parle du grand Conquérant, de celui qui est à l’origine de la « rencontre entre Orient et Occident » et que déjà des millénaires sont passés avec leur bonnes doses d’idéalisation sur Alexandre III de Macédoine dit le Grand, « fondateur » mythique de la dynastie hellénistiques qui a régné le plus longtemps (je parle bien sûr des Lagides !!)


Et sinon, je n’ai qu’une autre chose à dire : la BO du film est une merveille !!!!

Créée

le 15 mai 2017

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Louve d'Avalon

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