Ah, la saga Alien. Initiée en 1979 avec ce qui reste à ce jour pour moi le meilleur film d'horreur existant, elle en a vu des hauts et des bas depuis. En 2012, Ridley Scott revient aux commandes de la saga avec Prometheus, avec lequel le réalisateur souhaitait faire la part belle à ses origines, ce qu'il continue de faire avec Alien : Covenant. Problème, c'est que Prometheus a fait couler pas mal d'encre à sa sortie, et pas spécialement en bien. Il semblait de prime abord que Ridley Scott allait revenir avec ce nouveau film à la recette qui a fait le succès du Huitième passager. Et bien... oui et non.


A dire vrai, son Covenant semble égaré entre deux directions différentes et ressemble à un hybride entre Prometheus et Alien. Sur le papier, ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Tout aussi maladroit et frustrant qu'il était, Prometheus avait des choses à dire et c'est une bonne chose de vouloir revenir dessus, notamment dans sa thématique du créationnisme (quoique cette manie de vouloir tout révéler n'est pas forcément le bon choix). De même que c'est un plaisir de revoir ce bon vieux xénomorphe foutre la pagaille là où il passe.


Après, j'ai quand même l'impression que le réalisateur a eu les yeux plus gros que le ventre et se prend parfois les pieds dans le plat sur le plan de l'écriture. Parce que c'est bien beau de vouloir faire un mélange entre deux directions différentes, mais il en devient facile de s'empêtrer dedans. Ainsi, le film n'échappe pas à des moments qui ne sont pas indispensables quand on se penche dessus, et expédie à la poubelle quelques éléments de Prometheus.


Et donc, exit les Ingénieurs qui se retrouvent balayés au cours d'une scène de "génocide", c'est d'autant plus dommage que ça n'aurait pas été une mauvaise chose d'apporter des réponses à leur sujet, surtout que Prometheus reposait pas mal sur eux. Elizabeth Shaw, quant à elle, telle Sarah Connor dans Terminator 3, est tout simplement considérée comme morte.


Pour autant, c'est pas une mauvaise idée de faire le lien entre Prometheus et l'origine du xénomorphe et la façon dont c'est fait est mine de rien intéressante. Est-il nécessaire de devoir tout justifier, la question reste tout à fait valable, mais l'intention est bonne et c'est plutôt bien foutu au final. D'autant que ce brave xénomorphe a quelques grands moments de tension à offrir, Ridley Scott n'a pas perdu la main à son sujet. Il abuse un peu de la sauce tomate, mais peu importe, sa créature reste terrifiante et imposante, malgré son peu de temps de présence.


Si Covenant a gardé des séquelles de Prometheus, c'est bien au niveau de l'équipage, tout aussi peu intéressant. A l'exception de Tennessee et de l'androïde Walter, aucun n'est véritablement attachant, malgré la volonté des acteurs. Daniels a assez peu de charisme et souffre inévitablement d'une comparaison avec le personnage de Sigourney Weaver dans son évolution malgré les différences, tandis que le reste de l'équipage, c'est un peu limite s'ils ne servent pas à autre chose qu'à jouer les amuses-gueule pour le xénomorphe. En plus de ça, la plupart de leurs décisions m'ont souvent fait arracher des remarques du genre "C'est à ces gars-là qu'on a confié toute une colonie ?" ou "Tu vas regretter ce que tu fais... Ah tiens, qu'est-ce que je disais".


Mais ils ne sont pas handicapant aux scènes d'action qui gardent une grande efficacité malgré tout. En plus de réussir à installer une atmosphère tendue et nihiliste comme il faut, Ridley Scott parvient à maîtriser sa technique malgré deux ou trois CGI douteux et n'a perdu à aucun moment son sens de l'esthétique et du détail, l'imagerie étant de très bonne facture, et la tension est bel et bien au rendez-vous. Son film passe à vitesse grand V, ce malgré la présence, à mon sens bénéfique, de scènes plutôt calmes, d'un silence glacial.


Et surtout, Covenant fait la part belle aux deux androïdes tous deux joués par Michael Fassbender, dont la dualité se révèle être un des points les plus intéressants du film. David, l'androïde ayant fait partie de l'équipage du Prometheus, est un être toujours aussi fascinant, sournois et aux tendances mégalomaniaques, et pourtant paradoxalement plus humain dans ses ressentiments que son frère Walter, membre du Covenant. Les deux androïdes se découvrent, ce qui donne des moments, disons-le, plutôt beaux, et le réalisateur ose des choses dans leurs interactions. Chacun des androïdes est intéressant à sa façon, mais c'est tout de même David qui reste le plus mis en avant. Un personnage qui doit tout à l'homme alors qu'il trouve son espèce imparfaite, et n'a d'yeux que pour la perfection, qu'il va tenter de créer. David est en somme la pierre angulaire de l'entreprise.


Dommage que le film s'embourbe dans une partie finale en mode "quand y en a plus, y en a encore" assez prévisible avec le xénomorphe qui investit le vaisseau. Bien que plutôt efficace et bien filmée, on dirait que cette partie est surtout là pour rappeler que dans Alien : Covenant, il y a Alien. Une partie qui se veut probablement hommage à son modèle, mais qui loupe un peu le coche de par sa non-nécessité. Heureusement, le final sauve les meubles et permet de terminer le film sur une conclusion assez cruelle malgré le twist cliché.


Alien : Covenant est tout aussi maladroit qu'il est intéressant. Qu'on se le dise, sur plusieurs points, il a des chances de décevoir. Mais il n'hésite pas à tenter des choses, à remodeler son univers sur des bases pas déplaisantes à explorer, et il maîtrise bien son côté horreur qui, sans atteindre les grands moments du tout premier Alien, se révèle d'une redoutable efficacité. Après, cet opus est-il réellement indispensable au continuum Alien ? A chacun son opinion. Mais pour ma part, une chose est sûre : Covenant ne lui fait pas honte.

NickCortex
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le 15 mai 2017

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Nick_Cortex

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