Il faudrait faire une étude comparative de fond sur les suites au cinéma, pour y définir les constantes et les particularités. A ce titre, Aliens figurerait comme exemple de choix : il y dit avec éclat la surenchère propre au marché Hollywoodien, qui veut qu’un succès s’exploite sur cette logique imparable : donner plus pour récolter davantage.
Là où Scott jouait d’un budget relativement limité et compensait par une mise en scène fondée sur la rareté, l’attente et l’angoisse, James Cameron débarque et offre au spectateur un spectacle qui, probablement selon lui, récompense la patience dont il a du faire preuve pour le premier volet. Dès la scène d’ouverture, le recours très pratique au rêve permet de poser le cadre gore, même s’il attendra tout de même une bonne heure et quart (dans la version longue uncut) avant de réellement confronter ses personnages aux bestioles.
Beaucoup l’ont déjà dit : Aliens est un film militaire, voire le film de Cameron sur la guerre du Vietnam.
Face aux monstres, rien de tel qu’une escouade de marines américains jusque dans leur ADN, avec punchlines, parité dans la virilité, crispation sur les armes à feu et hurlements d’encouragement. Comme toujours chez Cameron, la dimension yankee transpire de partout, et fait pas mal de tâches de gras, avec, entre autre exemple possible, cette très irritante manière de systématiquement verbaliser des enjeux qu’on avait tous compris. (du style, en parlant des aliens de l’autre côté d’une porte : « Ces enfoirés ne doivent pas rentrer, compris ? » Euh… oui, compris.), et un éloge mêlé de l’armée et de la famille avec cette charmante bambine qui finit par mettre un casque et dire « Affirmatif » à ses pairs. Après l’approche de l’esthète britannique, la transition est souvent violente, et il faut accepter de voir Alien comme un saga à esthétique multiple (qu’on songe, a posteriori, aux pattes successives de Fincher et Jeunet) pour apprécier le parpaing qu’y pose ici l’un des maitres du blockbuster.
Car outre ces pénible relents de propagande, qui poussent même Ripley à jouer à l’excès, force est de constater que le boulot est bien fait. S’il impose sa patte, Cameron n’en respecte pas moins le cahier des charges du huis clos, et prend le parti d’exploiter comme il se doit les couloirs, les sas et les cloisons qui mettent autant de remparts face aux prédateurs qu’ils les dissimulent. Le parti pris visuel est lui ainsi mis au service de l’action : par les caméras embarquées, de surveillance ou les détecteurs de mouvement, on prolonge ce qui faisait la force de l’angoisse chez Scott, mais en la mettant au service de l’action pure. La fascination pour la matière est par exemple ici détournée vers celle des armes, qui, de l’exosquelette (qu’on retrouvera, encore amélioré, dans Avatar) à la sophistication des divers canons, deviennent un décor à part entière, et un terrain de jeu pour le grand gamin qu’est Cameron. Ainsi de cette jonction de ces divers critères (les armes, la visualisation, la technologie) dans cette scène où le décompte des balles visible sur un écran permet de déterminer la hausse croissante du nombre de bêtes et du danger à venir.
C’est donc une parenthèse de plomb qu’offre ce deuxième volet : on canarde à tout va, en saupoudrant les enjeux qui sont à l’origine de Ripley, et la poursuivront par la suite : le capitalisme ultra-violent des compagnies toujours prêtes à exploiter les talents létaux de la Bête, et la féminité de la Belle, warrior amazone et mère contrariée. Un aperçu du paysage cinématographique américain et une déclaration forte pour Cameron qui, après Terminator, impose son statut bankable qui va lui permettre de plonger dans les eaux mégalomanes des abysses.
(6.5/10)