En dépit de son hermétisme l'Oeuvre godardienne frappe par sa composition tour à tour protéiforme et parfaitement cohérente. Au regard certain cette évocation des prodromes de l'Europe contemporaine contient tout le jus de JLG : usage pléthorique de la citation culture-L et culture-G(odard) ; Jeux de maux polis-tics et ponts acheminant vers la parole du cinéaste. Allemagne 9-0 ou l'onanisme dans son État le plus noble : les beautés du geste façon Godard. Poing barre.
Entre l'abondance des références germaniques retraçant avec un ludisme salutaire toute l'Histoire d'un État sciemment soumis à la question et la puissance des plans tous plus sublimes les uns que les autres Allemagne 9-0 figure parmi les poèmes les plus riches et les plus libres de son auteur. Comme toujours les cadrages sont d'une précision pratiquement maladive en même temps qu'ils semblent accueillir l'accidentalité du réel. L'avant-garde ici présente fonctionne tel un énorme patchwork jouant de résonances purement ornementales et lourdes de sens dans le même mouvement...
On surprend entre autres choses les figures de Cervantès comme désorientées par un lointain vent d'est, les symphonies revisitées de Ludwig Van Beethoven et les images d'archives d'un Reich éhonté... Sinon la voix nasillarde de Leni Riefenstahl, le visage irrégulier de Lemmy Constantine Caution et les fantômes de la propagande nazie. Pouvant être vu de la manière la plus simple qui soit ( ni plus ni moins qu'un enchaînement stupéfiant d'images et de sons ) Allemagne 9-0 est un moyen métrage dont le caractère hétéroclite s'avère purement représentatif du Cinéma de Jean-Luc Godard, préfigurant les derniers chefs d'oeuvre que constituent notamment Film Socialisme et Adieu au Langage. Unique et proprement fascinant.