Relève assurée ou pâle copie, les comparatifs entre ce nouveau O'Russell et les œuvres de Scorsese ne manquent pas. Quel qu'en soit le jugement, le rapprochement est inévitable. American Bluff s'inscrit en plein dans l'univers mafieux inspirant le réalisateur de Casino. C'est d'ailleurs avec ce film que le parallèle est le plus évident. Non seulement car le sujet y est semblable mais aussi car la forme suit les mêmes lignes.
Comme dans beaucoup de films de Scorsese, la voix off est très présente. Bonne chose qu'elle ne soit pas l'affaire que d'un seul protagoniste de l'intrigue. Le bon choix musical dynamite le tempo aussi chez O'Russell. Les extraits trop furtifs mériteraient d'être plus longs.
De l'ouverture par "A Horse With no Name" à Duke Ellington, en passant par "The Jean Genie" de Bowie et "Live & Let Die", les morceaux sont tous génialement dans le rythme. Le générique de James Bond monte au sommet la folie du film et de son actrice, Jennifer Lawrence. La brièveté de cette scène fascinante est vraiment frustrante, comme chacun des bons passages musicaux. Cette illustration de l'image par le son est un autre point commun puisé chez Scorsese, avec moins d'adresse. Mais ici aussi les personnages et ses interprètes sont d'une grande flamboyance.
Doublement récompensé aux Golden Globes du côté des filles, c'est toute l'affiche d'American Bluff qui est attrayante. Évidement, les lauréates Amy Adams et Jennifer Lawrence sont extrêmement séduisantes. A coup de tenues qui réinventent le mot "décolleté" et de manières félines, Sydney et Rosalyn détournent l'attention en faisant monter la tension. L'une des dernières scènes renvoie à un indice proposé dans la "Swimming Pool Party" et démontre concrètement les attentes misogynes demandées aux femmes dans le milieu et l'époque. Jennifer Lawrence joue sur la même corde raide de la folie qu'avec "Happiness Therapy" et elle y est tout aussi drôle et troublante. Mère au foyer très maladroite et follement instable. Entre cette bombe à retardement et la bombe sexuelle dévoilée par Amy Adams, Christian Bale est décoiffé. Méconnaissable en gras du bide affreusement enlaidi, pas le même homme qu'il y a quelques semaines dans Les brasiers de la colère. En allant plus loin, la comparaison est encore plus improbable avec "The Machinist". Bradley Cooper en revanche frise le déjà-vu. Point final de la relation étroite entre les films de Scorsese et ce dernier de David O'Russell, l'apparition de De Niro. Son rôle d'ace en casinos est en quelque sorte une continuité de celui de Sam Rothstein. Comme toute histoire mafieuse, ce film est un plan qui se dessine points par points.
Inspiré d'une histoire vraie, cette intrigue prend le temps de se construire. Mise en place d'une combine imparable dans un film aussi fleuve que Les Incorruptibles ou...Les Infiltrés, Casino et Les Affranchis. Pas aussi inspiré dans le retournement des cartes (excepté le bureau de l'avocat), American Bluff mériterait de gagner en clarté. Les répétitions et les runnings-gags (l'histoire de la partie de pêche) sèment le doutent plus qu'il n'éclairent la situation. Presque difficile de faire la part entre la dégénérescence la plus simple de l'homme et au contraire un excès de ruse. Le postiche est le symbole de cette interrogation sur les limites du vrai et du faux.
Le précédent film de David O'Russell avait subit une étrange traduction. "Silver Linings Playbook" était sorti en France sous le titre "Happiness Therapy". L'apport du mot "bluff" dans cette nouvelle traduction est bien plus logique. "American Hustle" soulignait justement la construction progressive d'un château fragile, mais il s'agit vraiment d'un grand coup de bluff. Coup de poker tenté par des joueurs abusant des faux-semblants. Accoutrements clinquants, perruques et badigeonnage de maquillage. Toujours, bien paraître. Les failles et imperfections physiques ressortent incroyablement en contraste à tout ce grimage. Amy Adams est certes séduisante habillée toute en légèreté, mais c'est au naturel qu'elle est la plus saisissante. Visage marqué et fatigué, magnifique. Même démarquage avec l'introduction d'Irving collant des cheveux sur son crâne et enfermant son ventre imposant.
"American Bluff" est un tournoi de poker avec des joueurs très bons menteurs. Stratégies, alliances et chacun pour soi sont de la partie. On croit lires les esbroufes des uns et des autres sans jamais en être convaincu. Rythmé par un montage dynamique et des musiques chouettes mais cisaillées, le film est un peu long mais jamais ennuyeux.
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le 7 févr. 2014

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Adam Kesher

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