C’est assez incroyable de voir comment Schrader est à l’heure en réalisant ce film en 1980, année de croisement entre la chute du nouvel Hollywood et l’arrivée de l’esthétique eighties. American Gigolo possède les caractéristiques des deux décennies, une veine critique primordiale qui infuse une image et une musique clinquante toujours à la limite du kitch, le tout donnant un cocktail explosif.
Premier plan, Julian (notre gigolo en question, joué par un Richard Gere beau comme un dieu) dans son cabriolet Mercedes, cheveux au vent, roule sous le soleil californien accompagné par Blondie chantant à tue tête Call Me. A ce moment là il pourrait être n’importe quel jeune homme ayant réussi à se faire une place au soleil, pendant quelques minutes la supercherie tient, du moins si l’on oubli le titre, qui lui, empêche Julian d’aspirer à une quelconque évolution dans sa vie ce qui est à mon avis le principale thème du film. Pendant une demi-heure la réussite de Julian nous paraît insolente, il est blindé de thune, passe sont temps dans des lieux luxueux a côtoyer des femmes qui n’en ont que pour lui et son métier ne semble pas lui poser le moindre problème morale, le bonheur quoi.
Mais tout le reste du film nous rappellera qu’il n’appartient pas à ce monde, qu’il est n’est admis ici que grâce aux bons vouloirs de vieille bourgeoise décrépie, situation explicitée magnifiquement dans une séquence ou Julian accoste une (très belle) femme dans un restaurant, la discussion démarre, elle se montre intéressée mais lui fait remarquer qu’elle sait très bien qui il est, l’illusion ne tient pas, il est une première fois rappeler à sa condition. Et tout le nœud du film vient de sa position d’intrus, Julian va se voir accuser d’un meurtre qu’il na pas commit, mais personne n’en a rien à faire, il est alors embarqué dans une sorte de complot ou il se retrouve être le dindon de la farce. Julian pète rapidement un câble, devient parano, fouillant son appartement pour trouver on ne sait trop quoi à la manière d’Harry Caul dans Conversation secrète puis dépouillant sa voiture toujours à la recherche de l’objet mystère comme l’avais fait Popeye dans The french connection. La seule chose qui sauvera Julian c’est l’amour, lui qui l’a toujours rejeté, préférant consommer à outrance les femmes comme n’importe quel costard Armani de sa penderie, pourtant cette femme accepte de dire qu’elle était avec lui le soir du meurtre en sachant que ça lui coutera très cher.
Schrader laisse donc une porte de sortie à un homme qu’il n’avait cessé d’enfermer dans le cadre, pendant la première moitié du film la caméra avance avec Julian, montrant son ascension, mais aussi son culot, pourtant dès que sa situation se complique la caméra ne bouge plus, Julian avance toujours mais il se retrouve confronté à un mur, il est prisonnier du cadre. Et c’est peut-être avec ce plan final ou Julian colle sa tête contre le plexi du parloir qui le sépare de la femme qu’il aime, que tout prend un sens. Peut-être ne veut-il plus aller toujours plus haut, il souhaite juste montrer un peu de tendresse envers cette femme qui se trouve de l’autre coté, le cadre n’est à cet instant plus un obstacle, à la manière du père se retrouvant enfin dans le même plan que sa fille à la fin de Harcore (le précédent film de Schrader), Julian a gagné le droit d’intégrer le même plan que cette femme d’un autre milieu social, mais pour quoi ? Sans doute parce qu’il tout perdu.
Biniou
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le 17 juin 2014

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Biniou

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