Film chorale autrichien au parfum déjà un peu suranné. Je m'explique : non pas qu'il soit mauvais, loin de là, il apporte sur certains points beaucoup d'éléments fort intéressants mais c'est plutôt sur la portée du film et sur sa définition même. Je ne sais pas, peut-être suis-je là en train de lui reprocher ce qu'il est? Un film chorale. C'est à dire un objet convenu, avec un dénouement tout aussi téléphoné, et finalement un goût de vu et archi déjà vu qui le rend presque indigeste? Comme un tableau bien fait, bien peint, très académique, répondant aux goûts et tendances d'une époque, un air officiel et médaillé du mérite qui ne peut que subir l'affront du temps et les rires moqueurs... Suranné donc.

Si je ne m'arrête pas à ces observations un brin moqueuses et superficielles, je peux savourer quelques morceaux de comédiens. La direction d'acteurs est très bonne. Je ne vois pas un acteur qui en fait trop, ou pousse le bouchon un peu loin comme certaines scènes auraient pu en amener.
Andreas Kiendl au premier chef, m'a fortement impressionné. Une tête que je n'oublierai pas. Avec un mal-être formidablement incarné.
Petra Morzé joue avec Andreas Patton un premier couple adultérin saisissant, remarquablement excitant. Les scènes de sexe explicite ajoutent sans doute à l'excitation qui advient d'une situation, elle, implicite, mais peut-être un peu caricaturale du couple conjugal en voix d'extinction. La confrontation routine-interdit ne suffit pas malheureusement et plombe d'entrée la portée du film. Il ne peut alors se savourer que dans l'immédiat et l'instantané, pas l'intemporel. Désolé. Quoiqu'il en soit, les deux comédiens parviennent sans trop de mots à donner vie à quelque chose de fort, sans esbrouffe. Leur histoire est naïve certes, et pourtant elle est d'une certaines fraîcheur. Et ce malgré le décor pathétique de la banlieue bétonnée et grise de cette ville autrichienne.
Du deuxième couple je retiendrais essentiellement la prestation de Dennis Cubic, en jeune Yougo amoureux et impatient à l'idée d'être père. Sa jeune fiancée, Susanne Wuest, m'a légèrement laissé froid. Il faut dire qu'elle a un rôle ingrat, fait de hauts et de bas soudains, vifs et particulièrement outrés, de contrastes un peu trop récurrents dans sa partition.
Je n'oublierais pas la très moche Martina Zinner, mais dont l'économie de gestes et de grimaces se révèle d'une justesse étouffante (elle est aux prises avec le désormais fameux pour moi Andreas Kiendl en ex-mari qui s'obstine à ne pas accepter le divorce). Ces deux-là offrent un huis-clos difficile, tendu, et d'une profonde tristesse.

Le film respire le malaise. Les décors sont là pour nous le rappeller constamment. La photographie pas loin d'être dégueulase aussi. Et les mensonges, les angoisses, l'emprisonnement des personnages résonnent d'une manière ambigue face à l'actualité des faits divers en Autriche.
Et pourtant par bien des aspects, on n'est pas loin de subir un happy-end de non-circonstance.
Alligator
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le 16 févr. 2013

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