Premier film de Brandon Cronenberg et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne laisse pas indifférent.

Le point fort du film, c’est la forme, d’un côté, et surtout, de l’autre, son acteur principal : Caleb Landry Jones. J’ai été dès la bande-annonce assez fascinée par son visage à la fois sans pareil, androgyne et très étrange. L’acteur joue bien, surjoue un chouïa par moment, mais l’on sent que le réalisateur mise énormément sur la gueule de son jeune premier, gueule qui de ce fait, est présente dans presque tous les plans du film.

La forme, c’est ces décors, quasiment tous d’un blanc médical, aseptisé, froid. Je ne sais si cela a été fait dans ce but, mais je trouve l’idée excellente d’inclure la maladie, le virus qui s’empare de Syd petit à petit, et qui dans cet environnement immaculé, fait paraître la sueur, le sang, etc. encore plus immonde. On a l’impression de VOIR la maladie.

L’ambiance sonore, peu marquante, se compose surtout de sons métalliques, artificiels et ne se démarque que pour souligner, assez maladroitement, certains moments de tensions, comme lors de ce qui constitue LA scène du film, fusion entre l’homme et la machine (Là, oui, on croirait regarder un film de Cronenberg Senior) alors que les images nous en mettent suffisamment plein les yeux, inutile d’en rajouter trop au niveau auditif (Oui, on la voit ta super scène à l’écran, Brandon ! ).

Là où le bât blesse, c’est au niveau du scénario, qui d’intéressant et ambitieux devient à la fin plus prétentieux et obscur, voir embrouillé. Les sujets abordés sont intriguant et d’actualité : la starification à outrance (et surtout la starification de personnes dont le seul talent tient à leur célébrité, rien de plus). Ce besoin viscéral de tout savoir de ses idoles, jusqu’aux détails les plus intimes et scabreux, jusqu’à vouloir devenir un peu comme eux en s’inoculant leurs maladies (le métier de Syd, sorte de VRP désabusé de la culture microbienne), jusqu’à une forme de cannibalisme déguisé (des steaks génétiquement semblables à vos stars préférées)… Tout cela, sous forme de fable futuriste dans un monde qui nous parait se situer dans une dizaine d’années, guère plus, commence bien, mais lorsque vient se greffer l’enquête sur le pourquoi du comment de la maladie s’emparant de Syd, enquête ayant au préalable tendance à piétiner et qui est, ensuite, trop bâclée, on nous assène deux/trois dernières images choc mais pas un semblant d’explication sur ce qui, sans spoiler, conclue le film sur une note, certes envoûtante, mais assez racoleuse.

Malgré tout, ce qui fait monter ma note jusqu’à 7 (alors qu’il vaut objectivement un 5 ou un 6), c’est le côté quasi-hypnotique de ce film. C’est dingue, malgré les quelques lenteurs, malgré l’extrême clarté des images qui pourrait vous donner l’envie de vous reposer les mirettes… rien à faire. J’ai eu les yeux rivés à l’écran pendant 1h40 et j’avoue que, malgré ses défauts, ce film m’a fasciné. Pour un premier long-métrage, malgré des maniérismes, c’est quand même ultra personnel, on voit déjà un film de BRANDON Cronenberg. Alors bien sur, les râleurs argueront qu’il s’inspire de son père… Et alors, il n’est pas le premier, si ? A ce que je sache, rare sont les réalisateurs qui lors de leurs premières œuvres n’affichent pas une ou plusieurs influences de leurs prédécesseurs, et ce, qu’ils soient ou pas de leur famille.

Je trouve qu’Antiviral est une réussite pour deux raisons :
- La première étant que j’ai vu avec ce film quelque-chose d’unique, qui ne ressemble à rien d’autre et c’est plaisant en ces temps où tout tend à l’uniformisation.
- Et en second, le fait que ce film, aussi bizarre ou plein de défauts qu’il soit m’a grandement donné envie de suivre de plus près les futures réalisations de Brandon Cronenberg, qui m’intriguent déjà, et qui, en maîtrisant plus ses scénarios, pourrait vraiment arriver à du très bon.

Et je vous conseillerai même de le regarder pour vous faire votre propre opinion.

Enfin, phobiques des seringues et des jets de sangs s’abstenir, tout de même...
Pravda
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le 22 avr. 2013

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Pravda

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