Saudade ô Brasil...

AQUARIUS (17,3) (Kleber Mendonça Filho, BRE, 2016, 140min)
Cette puissante fresque intime retrace sur plus de trente ans le parcours de Clara, dame de 65ans, ancienne critique musicale vivant dans un immeuble chic "Aquarius", situé à Recife au bord de la mer alors qu'un promoteur rêve de chasser cette femme afin de rénover tout l'immeuble en constructions modernes. Kleber Mendonça Filho nous conte le combat de cette femme en faisant un portrait complexe et sans concession de son pays. Sa magnifique mise en scène composé de plans séquences fluide, de plans sophistiqués, est renversante et nous embarque dès la première scène, l’une des plus réussie, instinctive et émouvante du festival et certainement de cette année cinématographique. Le récit se décline en trois chapitres de façon romanesque. Pendant tout le film la beauté plastique des plans accompagnent une profondeur narrative qui s’immisce par petites touches et fait se rejoindre la maladie de l’héroïne avec celle qui ronge le pays. Une mise en abime lente, sublime, nostalgique et d’une intelligence narrative remarquable. Une œuvre musicale faisant la part belle à de nombreux morceaux musicaux pour la plupart illustrés par le son d’un vinyle et reflétant toujours judicieusement l’état psychologique de la combattante. Cet ample long-métrage sensible et rageur aux thèmes multiples : la mémoire, la transmission, le rapport à la beauté des choses, la maladie, le patrimoine, la dématérialisation, les affres du capitalisme s’impose par son rythme langoureux, un peu trop parfois au deuxième tiers du film. Ce récit astucieux, émanant de sensualité doit beaucoup à l’interprétation exceptionnelle de Sonia Braga (immense star brésilienne et candidate très sérieuse au prix d’interprétation !), resplendissante, digne et poignante. Venez découvrir ce brillant geste politique tout autant que l’émouvant destin d’une femme au sein d’«Aquarius ». Vertigineux, riche, colérique, beau, sensible et métaphorique. Viva "Aquarius" !