Dis Behind, quand as-tu cessé de te tripoter le joystick ?

Behind, quand il était petit, c'était un crack dans les jeux vidéo. Le meilleur de sa chambre, même. Vous me direz que c'était facile vu qu'il était fils unique... Mais quand il se produisait en tournoi, c'est à dire à deux sur la même console, il sortait gagnant, encore une fois. Oui, bon, couper trois doigts à l'adversaire, à la machette et sans anesthésie, quand il était contrarié, ça pouvait aider aussi...


Behind a longtemps suivi l'évolution de son univers vidéoludique et pris position dans les guerres successives Nintendo vs Sega, Sega contre Sony, et enfin Sony face à Microsoft. Jusqu'à ce qu'il grandisse, trouve un travail et qu'il ne puisse plus consacrer autant de temps qu'il le voudrait à son plaisir numérique.


Tout cela pour dire que je suis passé à côté de la licence Assassin's Creed, dont je ne connais finalement que les campagnes publicitaires qui jetaient son personnage principal dans le vide alors qu'il surveillait l'étendue de sa ville du haut du plus grand monument, majestueux et vertigineux. Et pour dire que je suis peut être pas le mieux placé pour juger de la fidélité au matériau d'origine.


J'ai donc vu le film vierge de toute attente et de toute expérience antérieure, pour, finalement passer un moment pas désagréable, ni plus ni moins. Parce que j'ai été instantanément transporté en pleine inquisition espagnole, avec ces tueurs de l'ombre qui virevoltent, ses superbes décors, ou encore certains mouvements de caméras amples qui embrassent l'ampleur de l'action à l'écran. Quand celle-ci se focalise sur son personnage emblématique, elle oscille entre le corps à corps et la course libre sur les toits de la ville. Poursuite, ascension entre deux murs rapprochés, chutes incroyables, la variété du gameplay semble se retrouver dans le film, même s'il faut avouer que, parfois, certains passages ont été montées à l'arrache ou un peu trop serrés. Mais rien qui vienne gâcher le plaisir procuré, je pense.


Cette bonne première impression se prolonge une fois les portes de la salle de l'animus franchies, mettant en scène comme des hologrammes éthérés en connexion avec le passé du condamné. Pourtant, le spectateur ressentira malgré lui, parfois, cette impression de froideur, le fait qu'il ne se dégage plus rien à la seconde où cet Assassin's Creed opère un retour dans le temps présent. Avec ses enjeux simplistes qui pousseront les plus médisants à ne pas s'en étonner car finalement, "c'est comme dans un jeu vidéo", ou ses dialogues parfois inutiles et redondants, le film se coupe littéralement de ses racines et de la mythologie installée, le (faux) modernisme de 2016 que le film étale jurant parfois avec le coeur de son attraction. La prison dans laquelle Michael Fassbender évolue, elle, grande, blanche, vide, pourra passer pour le rêve éveillé des droits-de-l'hommistes les plus fervents, alors qu'une impression diffuse de malaise se dégage et que le spectateur n'a qu'une envie : replonger le plus vite possible dans le quinzième siècle, assurément le territoire le plus séduisant du film. Le tout en opposition à l'anti spectacle offert, impersonnel et carrément sans saveur dans un huis-clos en asepsie.


Mais malheureusement, pour moitié à peu près, le spectateur attendra patiemment que les vilains de l'histoire prennent enfin possession d'une boule de pétanque Obut, avec une Marion Cotillard, loin de sa prestation dans Alliés, monolithique et qui se dilate les narines. Quant à Jérémy Irons, il est tout simplement absent.


Dommage aussi que Assassin's Creed se drape souvent d'un brouillard quasi constant, comme dans un jeu de la génération 2008 / 2010, comme s'il avait à camoufler des problèmes de distance d'affichage ou encore un clipping constant.


Le film s'envisage donc exactement, semble-t-il, comme le jeu dont il est tiré : il alterne en effet des phase de gameplay exaltantes, sans être irréprochables, mais qui accrochent bien l'attention et qui font que le spectateur a envie de rester en pleine inquisition. Malheureusement, il devra aussi endurer certaines cinématiques froides, plates et peu inspirées, expliquant, peu au final, un univers pas inintéressant mais beaucoup trop déconnecté, par sa composante moderne insipide, de son argument principal et de son affrontement immémorial. Ainsi, loin de rendre grâce à l'avenir, Assassin's Creed est plutôt tourné vers un passé dont il sait pertinemment qu'il représente son atout principal.


Bienvenue dans l'inquisition espagnole.


Behind_the_Mask, in you ass(assin).

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le 21 déc. 2016

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