Par OhCaptainMyCaptain.

Elle fut longue à arriver, elle est là, enfin. Il est question ici de la critique du premier film d'animation de l'Agence, et non des moindres, puisqu'il s'agit du film français du moment, Astérix: Le Domaine des Dieux. Et c'est Captainix qui s'en charge !



Il s'agit là du deuxième long-métrage d' Alexandre Astier (en coopération cette fois avec Louis Clichy, ancien de Pixar, un des studios de Disney) en tant que réalisateur après David et Madame Hansen. De prime abord, j'étais plutôt réticent à aller voir un film Astérix au cinéma, puisque comme les plus curieux ont pu le remarquer sur la page facebook de l'Agence, peu de films de la licence ont su me plaire, avec comme seuls exemples Astérix : Mission Cléopâtre d' Alain Chabat, et les films d'animation Astérix le Gaulois et Les Douze Travaux d'Astérix. En point d'orgue, le pitoyable Astérix aux Jeux Olympiques. Mais tout a changé quand Astier a été annoncé à la réalisation. Le créateur de Kaamelott fait partie de mon quinté d' « humoristes » français favoris, maîtrisant aussi bien l'humour recherché que totalement décalé, un peu pince-sans-rire, réussissant l'improvisation à merveille. Le Downey Junior français en clair ! Réaliser Astérix a pour lui été une aubaine, lui permettant d'adapter son album préféré du Petit Gaulois, mais aussi de s'échauffer avant de s'attaquer au film Kaamelott (qu'il ne fera finalement pas, M6 l'ayant convaincu de rempiler pour une saison). Et j'étais plus que ravi du choix, les BDs Astérix ayant bercé mon enfance, et partageant un favoritisme sur ce titre, l'histoire ayant un discours politique particulièrement fort et un sous-texte qui entraîne particulièrement une réflexion (l’annexion pacifique via la culture et l'économie). Astier s'attaque donc, après la décadence de Rome dans Kaamelott, au début de l'Empire (bien que oui, la série de Goscinny et Uderzo est quelque peu anachronique et adapte l'Histoire à sa sauce, Jules César n'ayant jamais été empereur).



Alors après visionnage, que ressort-il du film ? Et bien l’œuvre a été quasiment à la hauteur de mes attentes, ce qui est plutôt surprenant au final vu mes prétentions habituelles. Alexandre Astier a parfaitement travaillé son support et cela se voit. Il allie toujours aussi bien tous les types d'humour (ce qui est problématique, nous y reviendrons) mais aussi a effectué une modernisation plus que réussie du mythe tout en le respectant dans l'esprit.



En 50 avant Jésus-Christ, toute la Gaule est occupée par les Romains. Toute ? Non ? Car un dernier village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à Jules César. Devant l'incapacité des troupes armées des camps romains à conquérir ce village qui se défend grâce à la potion magique, l'empereur décide d'utiliser la méthode douce mais fourbe : installer un groupement d'immeubles romains aux portes du village, dans le but de l'englober grâce à la culture et la technologie romaine.



C'est dans la forme que ce modernisme est le plus criant. D'abord dans l'utilisation de la 3D bien sûr. Et elle est agréablement surprenante. Si d'habitude les 3D sont plutôt accessoires voire même complètement ratées, elle est ici très réussie, discrète, agréable, et sert à la mise en scène. Le spectateur peut clairement voir la profondeur de l'écran. Idem sur les dessins en tant que tels, qui sont vraiment magnifiques et dignes des années 2010 ! Louis Clichy a été à bonne école chez Disney-Pixar, pas de doute ! Le Domaine des Dieux n'a rien à envier aux Toy Story, Rebelle, et autres Cars. Il se permet même quelques ralentis, plutôt réussi ! ( cachent-ils une parodie?)



Le thème si caractéristique d'Astérix a aussi été modernisé par Phillipe Rombi, permettant un attachement plus direct pour les nouveaux enfants découvrant l'univers. Elle permet d'ailleurs de porter un générique rénové mais qui correspond et fait écho aux autres dessins animés Astérix. En restant dans la musique, quelques effets sont particulièrement réussis, notamment l'utilisation de chanson pop italienne (Sara Perché Ti Amo de Ricci e Poveri) lors de l'expansion du Domaine des Dieux plutôt bien montée et très drôle, l'effet sortie de boite de nuit dans le village gaulois aux abords du Domaine des Dieux la nuit ainsi que l'effet bouchon d'oreille lors des chants d' Assurancetourix, le barde.



Pour le reste, c'est l'humour très particulier d' Astier, allié aux failles et habitudes de notre société, qui a permis de moderniser l'histoire du Domaine des Dieux qui était encore déjà très pertinent pour notre époque. Il prend ses références à droite et à gauche : notamment la WWE pour le Cirque de Rome, les annonces RTL, les clubs vacances, et se permet de parodier Le Seigneur des Anneaux, Godzilla, et les discours politiques (De Gaulle, Sarkozy avec le légionnaire Travaillerpluspourgagnerplus...). Le tout en préservant l'essence de l'humour de l'album original. Les Gaulois comme prédécesseurs des Français en garant des droit de l'Homme ; Duplicatha (représentant des esclaves) et les légionnaires connaissant le droit du travail sur le bout des doigts ; la critique sous-jacente de l'instrumentalisation des foules par la peur ou par le désir, des envois en garnisons des militaires pendant longtemps loin de leur famille, du capitalisme et ses lois du marchés, des locutions latines, et cetera…



De ce fait, l'ensemble du film est très fidèle scénaristiquement à l’œuvre originale et ce n'est pas un mal dans ce genre du cinéma. Mais, oui il y a un mais ! Ce qui passe dans une bande dessinée ne passe pas forcément bien à l'écran, car les deux arts sont distincts. Il y a un moment dans le film où les Gaulois doivent faire un choix et...malheureusement ils le font trop rapidement et sans raison apparente. Un moment de transition aurait permis de rendre le film plus fluide.



L'humour, c'est justement toujours le même problème avec Alexandre Astier (un bon problème, il faut l'avouer) ! Si parfois l'humour décalé peut être compris de tous, la plupart des situations humoristiques du long-métrage nécessitent certaines bases culturels (c'est certes moins criant que dans certains épisodes de Kaamelott ou son spectacle sur Bach, mais quand même!). Or, le film Astérix a basé sa publicité, légitimement, sur un dessin animé pour enfants. De même que les horaires de diffusion se sont vus cantonnés à l'après-midi. Et s'il m'est arrivé de rire aux éclats devant certaines références discrètes, aucun enfant dans la salle n'a pu le faire, ne comprenant pas trop les situations auxquelles ils avaient affaire. Parfois quelques sourires, mais pas de rire. Et c'est le problème des films Astérix depuis quelques temps, ici exacerbé par Astier. Les producteurs sont tiraillés entre « on fait un film pour enfant » et « on fait un film pour les adultes nostalgiques ». Ici, on se retrouve clairement dans un film dans la seconde catégorie, alors qu'il était destiné aux plus jeunes. Ce n'est pas un mal en soi de revenir à l'époque des années 90 où l'on mettait à disposition des choses assez compliquées pour leur âge, vos trois rédacteurs sont là pour en témoigner. Mais un peu plus d'explications au cours du film n'aurait pas forcément fait tâche. De même, pour rester dans les soucis majeurs du film: la durée. Il n'est plus admissible en 2014 de faire des films d'une heure vingt, au prix où est la place. Comme le film est réussi, cela accentue la sensation de rester sur sa faim. Certes les comédies ne doivent pas traîner en longueur pour être efficace, mais un juste milieu était à trouver.



« Un film avec du monde » prévenait l'affiche . Et même du beau monde ! Le bilan du casting est plutôt positif, ce qui est généralement rare ces derniers temps du coté du doublage français. Alexandre Astier s'éclate dans son rôle de Centurion Oursenplus et cela se voit (ou plutôt s'entend !). Et jamais l'ombre du roi Arthur ne planera sur son personnage, bien que celui-ci aussi se retrouve au milieu d'une bande d'incompétents. Roger Carel est toujours parfait en Astérix. Il n'est plus tout jeune maintenant, il est encore en poste cinquante ans après, sans jamais faire ressentir son âge sur le Petit Gaulois, et il sera difficile de le remplacer ! Alain Chabat fait un petit caméo en tant que sénateur fourbe ( malheureusement pas en Jules César), sa voix convient idéalement au rôle. Et que dire de la performance de Laurent Laffite en esclave-philosophe Duplicatha ! Nomination au César 2015, minimum !



Le réalisateur a encore une fois réussi à caser ses petits protégés de Kaamelott, le bougre : son père Lionel s'éclate tout aussi bien que son fils dans le personnage de Cétautomatix ; François «le pécore raté» Morel complète le duo en jouant le poissonnier Ordralphabétix à merveille, bien accompagné par Maman Astier jouant sa femme ; le paysan breton Serge Papagalli rend le chef Abraracourcix plus qu’intéressant ; et Franck Pitrot aka Perceval est vraiment excellent dans un rôle de légionnaire (se permettant même de reprendre sans être lourd le gimmick « c'est pas faux »), au même titre qu’ Élie Semoun. La nuance est cependant de mise pour la prestation de Guillaume Briat, le roi burgonde, dans le rôle d' Obélix, qui peine vraiment à convaincre et à fédérer.



Astérix Le Domaine des Dieux est donc une bonne pioche en cette période de fin d'année. Les graphismes sont beaux, l'humour est au rendez-vous, quoiqu'un peu trop compliqué pour les enfants. Mais pour une fois depuis quelques années, les producteurs ne prennent pas les enfants pour des imbéciles, ce qui est plutôt un bon point. D'autant plus qu'il délivre un message de qualité, de bonté, et de réflexion, sans être simpliste : un plan totalement pacifique peut réussir, mais il échouera dès la première pointe de violence et de cupidité. Que les Grands de ce monde s'en inspirent ! Dans tous les cas, le film reste un bon moment à passer en famille !

Quand le plus grand défaut d'un film est sa trop courte durée, on peut dire sans trop s'avancer qu'il s'agit d'un très bon film de sa catégorie. Alexandre Astier, reviens-nous vite, ton humour nous manque cruellement !
AgenceTouriste
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le 15 déc. 2014

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