Pamphlet bourrin

Aldrich n'est pas particulièrement réputé pour la finesse de son trait mais je ne me rappelle pas avoir déjà vu un film de sa part aussi bourrin dans la démonstration. Effet bulldozer dans un film de guerre, à la fin de la WW2 en Belgique, pour caractériser les tensions qui s'enracinent solidement entre le capitaine Cooney dépeint comme incompétent et peureux et le lieutenant Costa qui est envoyé en introduction dans une sorte de mission suicide. On essaie de nous tisser quelques liens de complexité à travers le personnage de Lee Marvin, un colonel de passage qui a des intérêts personnels dans le civil à ce que Cooney soit son allié, et hop, voilà qu'on renvoie une seconde fois une petite équipe de reconnaissance dans une mission suicide de reconnaissance. Les gros sabots pour bien montrer que le lieutenant Costa (Jack Palance) met en garde ses supérieurs et leur demande leur parole qu'ils feront bien ce qu'ils sont censés faire pour les couvrir sont presque aussi horrible, en termes d'écriture, que la révélation semi-finale au sujet du méchant capitaine Cooney (Eddie Albert) qui se révélera un grand cas psychiatrique, avec jolie crise de démence incroyablement ridicule, au moins aussi démesurée que le reste. On atteint un niveau de n'importe quoi vraiment surprenant quand le personnage fait une crise et pleure comme un bébé sur un lit en serrant dans ses bras un chausson.

Bien sûr, le film ne se résume pas à ça, mais c'est difficile de passer outre. Un discours contestataire irrigue le tout, pour montrer la guerre comme quelque chose d'absurde dirigé par des lâches et des idiots mus par autant de calculs politique et d'intérêts personnels. La hiérarchie militaire en prend pour son grade, et on comprend que l'armée n'ait pas souhaité participer au financement du projet.

D'un côté, le film reste intéressant en tant que précurseurs de films notables à venir comme "Les Sentiers de la gloire" (1957) de Kubrick voire même "Croix de fer" (1977) de Peckinpah. Mais il existe pas mal de films qui concourent dans la même catégorie et qui s'en sortent beaucoup mieux à mes yeux, comme par exemple "Côte 465" (1957) de Anthony Mann, aussi minimaliste et "théorique" sur le même thème mais beaucoup moins bourrin. On sent bien qu'Aldrich a souhaité sacrifier la subtilité sur l'autel de l'efficacité, mais il a perdu beaucoup au change. Peut-être est-ce dû à l'aspect adaptation d'une pièce, mais les quelques longs tunnels explicatifs qui jalonnent les séquences "posées" du film témoignent une vraie faiblesse de mise en scène, ne donnant pas à l'injustice (et l'horreur) de la guerre toute son ampleur. La trahison, le courage, le non-renoncement : c'est très lourd.