Critique parue sur le site cinephilia.fr/blog


Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l’embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…


S’il y a bien deux choses que Ron Howard apprécie particulièrement, ce sont les films à costumes et les histoires vraies. Alors quand les deux sont présents dans le même projet, le réalisateur américain n’hésite pas une seconde. Il s’agit cette fois d’une adaptation d’un récit de Nathaniel Philbrick qui narre ce qui est arrivé au baleinier Essex. Ce livre se base sur les écrits du mousse du navire, Thomas Nickerson, qui ont été retrouvés en 1960. C’est cette tragédie qui a inspiré Herman Melville pour son roman Moby Dick. C’était donc un fameux challenge pour Ron Howard que de reconstituer ces événements d’autant plus que, au-delà du fait d’être fidèle à l’histoire, il fallait que le département artistique soit à la hauteur. Peter Weir avait ouvert la voie (dans un passé récent) avec son film Master and Commander qui montrait déjà des marins et leur navire pendant le XIXème siècle donc on savait que le défi était réalisable.


Avant même de voir le film, il y a une promesse de vivre une aventure hors du commun. La vie n’était pas facile, les moyens n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui et chaque séjour en mer était synonyme de dangers. Tout cela, Ron Howard parvient à le faire ressentir parfaitement et chaque enjeu est clairement exprimé et évident. Au fil des heures, il va dépeindre la vie d’un baleinier et l’utilisation des baleinières. L’huile de baleines était particulièrement prisée à l’époque puisque c’était la principale façon de s’éclairer. Pour rythmer son récit, Howard alterne passages de la vie de l’Essex et scènes dans la maison de Thomas Nickerson adulte. En effet, c’est par lui que l’histoire arrive et le personnage se charge de narrer ses aventures et celles d’Owen Chase, le second, à Herman Melville qui écrira donc par la suite Moby Dick. Ceci est plus un clin d’œil qu’autre chose puisque, en réalité, Melville a reçu des manuscrits du fils d’Owen Chase et n’a, à priori, jamais rencontré Thomas Nickerson. On peut voir ce choix de Ron Howard comme étant un hommage à tous les acteurs de cette aventure, que ce soit ceux qui l’ont vécues que ceux qui l’ont rendue célèbre.


Ce choix de ponctuer le récit de ce dialogue entre Herman Melville et Thomas Nickerson est judicieux. Il permet de séparer la narration en plusieurs étapes clés et d’ainsi éveiller voire relancer l’intérêt du spectateur lors de moments clés. Le montage de Mike Hill et Daniel P. Hadley, les monteurs qui accompagnent Howard depuis ses débuts, garde habilement le rythme du métrage qui jongle entre spectacle et drame. Les autres collaborateurs ne sont pas les derniers venus. A la photographie, absolument superbe, on retrouve le chef opérateur attitré de Danny Boyle (mais qui n’a pas officié sur Steve Jobs) : Anthony Dod Mantle. Il a donné au film des tons froids qui plongent le tout dans une ambiance encore plus tendue et anxiogène. En ce qui concerne la musique, c’est l’ibérique Roque Baños qui est à la baguette. Il a écrit une partition épique qui sait se faire discrète comme être grandiloquente dans les moments nécessaires. N’oublions pas non plus de saluer l’excellent travail de Dominic Capon, chef décorateur, et de Julian Day, chef costumes.


Ron Howard est un bon metteur en scène, c’est indéniable. Le seul réel problème de son film, c’est la 3D. En soi, elle n’est pas vraiment gênante mais sert plus de camouflage qu’autre chose. Elle est inutile et maintient l’illusion d’un réel apport pendant un instant mais qui ne dure pas. Le spectateur n’est pas dupe. C’est du travail de post-production qui n’apporte rien et c’est regrettable. Si Howard avait bossé avec des caméras 3D (difficilement compatible avec un tournage aquatique il faut bien le dire), sans doute que cela aurait pu être du meilleur effet parce qu’il y avait de la matière à utiliser. Enfin bref, si vous avez le choix entre une séance 3D ou 2D, n’hésitez pas à aller le voir en 2D, vous ne raterez pas grand chose.


Le casting est composé d’une kyrielle d’acteurs de renoms à commencer par Chris Hemsworth qui signe ici sa seconde collaboration avec le réalisateur d’Apollo 13. Bien que dans l’ensemble il soit plutôt bon, Hemsworth a toutefois tendance à en faire un peu trop et à tomber dans l’arrogance. Certes, son personnage est plus expérimenté que celui du capitaine mais il y a un déséquilibre qui se crée. Fort heureusement, cela n’est que momentané. A ses côtés, l’expérimenté acteur irlandais Cillian Murphy, le futur Spiderman Tom Holland, Frank Dillane, Benjamin Walker, Paul Anderson, Joseph Mawle et Charlotte Riley livrent tous une solide prestation. Du côté de la narration, il y a Brendan Gleeson qui incarne Thomas Nickerson, Michelle Fairley joue son épouse et Ben Wishaw interprète Herman Melville. C’est un ensemble de qualité qui fonctionne parfaitement bien. Les acteurs confirmés montrent encore l’étendue de leur talent et ceux qui montent, Tom Holland en tête, nous rappellent pourquoi ils sont sur la pente ascendante.


Au final, Ron Howard signe une œuvre forte, puissante, émotionnelle qui en met plein la vue. Les prises de vue sont splendides, il y a de la recherche au niveau du cadrage, la musique est superbe, la reconstitution est nickel et le casting est au top. A part cette 3D une nouvelle fois dispensable, il n’y a pas grand chose à reprocher à Howard qui frappe encore très fort.


http://cinephilia.fr/blog/critique-au-coeur-de-locean-de-ron-howard/

ThibaultVandeWe
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le 2 déc. 2015

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