Au revoir là-haut : Changement de registre totalement réussi pour son réalisateur

Cher Albert Dupontel,


En suivant ton parcours, tu t’attaches à être un acteur protéiforme en allant d’un genre à l’autre, avec une facilité apparente, du film à scandale Irréversible à la SF avec Chrysalis. Cette diversité de rôles indique la richesse de ton jeu. Mais, on ne doit pas te limiter à être un simple acteur comique mais à un acteur complet. Tu es également un réalisateur créatif et doué. Avec 9 neufs mois ferme, tu as reçu le César du Meilleur scénario original et quelques nominations pour tes autres longs métrages, mais rien de plus depuis la sortie de ton bébé, Bernie. C’était il y a 21 ans ! Depuis, tu as parcouru beaucoup de chemin. J’espère qu’en sortant du registre de la comédie pure avec Au revoir Là-haut, tu obtiendras la juste reconnaissance en tant que réalisateur comptant pour le cinéma français. Non, tu n’es pas qu’un simple faiseur de comédies déjantées. Tu t’intéresses, aussi, aux personnages et à ce qui leur arrive. Jouant un rôle principal dans chacun de tes films, je suis certain que ce n’est pas seulement par manque de budget mais l'envie de faire exister ces individus sur pellicule.


Toutes tes réalisations s’intéressent aux petites gens, les marginaux, les laissés pour compte où leur défauts/fêlures peuvent devenir des qualités dans certaines situations. Ici, nous découvrons un personnage ne trouvant plus sa place dans la société, après la guerre 14-18, une gueule cassée ayant un vrai talent artistique et une orpheline, digne d’un roman de Dickens, interprétée par Héloise Balster. Cela créé une empathie particulière pour ce trio chez le spectateur.


D’une certaine façon, tu es l’ambassadeur dans le cinéma français de la valorisation de ce type de personnes avec un humour fin ou parfois absurde, voire cartoonesque. En cela, tu te démarques des réalisations de Jean Pierre Jeunet en mettant de coté la photographie couleur sépia, pour conserver ton propre style et ne pas faire une redite d’un long dimanche de fiançailles dont lequel tu as joué. Tu as aussi la force des meilleurs réalisateurs permettant de faire apprécier le jeu d’un acteur que je n’aime pas vraiment. Ici, c'est le cas de Laurent Laffitte. Sa prestation m’a vraiment bluffé avec le côté suffisant et totalement dénué de conscience de son personnage prêt à tout pour jouir et se moquer ouvertement de la mort.


Albert, tu t’amuses souvent à proposer des scènes pas forcément tout public


(les scènes d’amour avec Emilie Dequenne)


ou de mauvais goût


(un crucifix positionné à l’envers pour détourner l’attention d’une bonne sœur)


dans tes films. Cela constitue un gimmick de ta part provoquant l’humour ou un certain malaise chez tes spectateurs.


Du côté des autres acteurs, tu as eu raison de faire confiance à Niels Arestrup. Il est vraiment époustouflant en père très influent sur Paris cherchant à découvrir une vérité. Mélanie Thierry m’a plus touché avec son rôle secondaire de femme de ménage, que son rôle principal dans La Douleur. Pour Nahuel Perez Biscayart, son jeu se limite essentiellement à son regard donnant une force incroyable à son personnage.


L’un des aspects les plus réussis dans ton film sont les masques créés par Edouard Péricourt devenant une galerie de personnages, à part entière. J’ai particulièrement aimé celui du portrait de femme africaine aux cheveux bleus. Sans oublier, la magnifique tête de cheval donnant un côté inquiétant et lynchien dans une scène assez troublante. Ce n’est pas la première fois que l’Art trouve un écho dans tes réalisations comme l’écriture et le syndrome de la page blanche avec Le Créateur. Visuellement, Au revoir Là haut est magnifique autant dans les décors que dans ta mise en scène.


(le beau plan séquence avec le chien en ouverture du film)


Même le son est utilisé comme artifice pour être source de comédie lors de la rencontre entre Albert Maillard et Marcel Péricourt. Tu utilises vraiment le moindre détail pour rechercher l’effet voulu sur ton public. Bien que le sujet puisse faire grincer des dents auprès d'une partie de ton public, tu n’hésites pas à parler de sujets qui fâchent : le sort des morts et des rescapés après la 1ère guerre mondiale, avec humour et intelligence. Mais, Au revoir Là-haut ne se limite pas à ça.


Il faut le voir pour comprendre l’étendue de sa richesse et de tes qualités cinématographiques.


Aujourd’hui, tu représentes une alternative nécessaire au cinéma français actuel qui est trop souvent consensuel et commercial. Avec ce long métrage, tu confirmes ton statut de véritable artiste aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Je souhaite que ton film remporte les honneurs qu’il mérite. Il me reste plus qu’à te dire :


Merci Albert Dupontel et surtout continue ta belle carrière.


Hawk, un admirateur masqué et anonyme. (petit clin d’œil à l’un de mes éclaireurs Behind_the_Mask et ses signatures inspirées en bas de chaque critique)

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le 9 déc. 2017

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Hawk

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