Adaptation d'un livre biographique de Robert Graysmith,"Auto focus" retrace la météorique carrière de Robert Crane,petite vedette des années 60 et mort assassiné à 49 ans,meurtre non élucidé.On voit bien ce qui a pu intéresser le cinéaste Paul Schrader dans le parcours d'un acteur dont il se sent probablement assez proche.Les deux hommes sont à la fois marqués par une éducation puritaine typiquement américaine et par une fascination ressentie comme coupable pour le sexe.Cette dualité a permis au réalisateur de faire ses plus grands films,"Hardcore","American gigolo" ou "La féline",tandis que l'addiction sexuelle de Crane a provoqué sa chute.Au début du film,Bob est un brave gars du Connecticut devenu animateur de radio à L.A..Marié et père de trois enfants,il rame professionnellement jusqu'à ce qu'il obtienne le premier rôle d'une série télé à succès,"Hogan's heroes",diffusée en France sous le titre "Papa Schultz".Le show durera de 65 à 71 et restera le seul boulot important de Crane,qui sera ensuite dans la galère.Tout bascule lors du tournage de la série,lorsqu'il rencontre au studio d'enregistrement un technicien à la pointe des nouvelles technologies,un certain John Carpenter,rien à voir avec le réalisateur du même nom.Passionné de photo,le comédien va devenir l'ami intime de Carpenter,qui le fait alors profiter des prototypes révolutionnaires sur lesquels il travaille,comme le caméscope ou le magnétoscope.Mais le brillant inventeur est aussi un débauché notoire,et il entraîne son pote dans sa vie de stupre.Crane troque alors le jus de pamplemousse pour l'alcool,la discipline pour les soirées dans les boîtes à strip où il joue de la batterie,sa première passion,et il délaisse sa famille pour se livrer à des orgies en tirant tout ce qui bouge.De plus,les deux compères utilisent leur matériel hi-tech pour filmer leurs ébats.Des cassettes s'égarent,le comportement de l'acteur s'ébruite et ça nuit à sa carrière.Le film offre une belle reconstitution des sixties et des seventies qui,au-delà de l'aspect visuel très réussi,parvient à restituer l'ambiance de cette époque où tout changeait mais où les mentalités avaient du mal à suivre.Ce décalage est souligné par les contradictions et le mal-être qui traversent Bob,qui a du mal à gérer simultanément sa culpabilité chrétienne et sa sexualité débridée,sa notoriété et l'échec de sa carrière qui lui est consécutif,ainsi que sa profonde amitié pour John,son mauvais génie,et l'envie de se débarrasser de lui pour reprendre son existence en main.D'autant qu'il est devenu sex addict et qu'il ne s'en cache guère,ce qui en fait un paria dans un milieu du showbiz dont Schrader stigmatise l'hypocrisie.Le monde du spectacle baigne depuis toujours dans la débauche la plus débridée,mais il faut que ça reste discret et inconnu du public.Pour finir,le film a le courage de prendre parti quant à la mort de Crane.Certes,rien n'est ouvertement exprimé,mais il est clairement suggéré que c'est Carpenter le tueur,et on croit même savoir pourquoi.Pendant tout le film,il semble évident que l'amitié de John pour Bob va plus loin que la simple camaraderie et tient plus de l'homosexualité refoulée.Alors,quand le comédien le rejette et l'écarte de sa vie,il est fort possible que Carpenter pète les plombs.Ceci dit,on ne peut accréditer officiellement cette thèse.John fut le principal suspect mais on ne put rien prouver et d'autres pistes existent.Angelo Badalamenti,le complice de David Lynch,signe une excellente musique.Le casting ne comprend pas de stars mais tous les interprètes sont de très bon niveau.Greg Kinnear est solide dans le rôle principal,et Willem Dafoe crève l'écran comme à son habitude,incarnant un Carpenter tantôt inquiétant tantôt vulnérable.Rita Wilson,l'épouse modèle,et Maria Bello,la dévergondée,jouent avec talent les deux femmes du héros.Il est à signaler qu'on a rarement vu autant de filles à poil dans un film américain grand public.

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le 1 mars 2019

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