À lire de préférences après avoir vu le film.


Si l’on devait résumer le premier Avatar à une principale ambition, c’était celle de l’expérience de la conscience du corps. Une démarche absolue où le spectateur était plongé au plus près du regard et de la perception de son protagoniste, Jake Sully.

Tout dans le premier épisode tendait vers cet objectif. C’était une structure narrative implacable jouant la gradation des sensations dans la découverte de la planète Pandora. Le tout aboutissant à l’éveil final, où un esprit réconciliant définitivement hémisphère gauche et droit du cerveau pouvait prétendre à être totalement en phase avec son nouveau corps.

Suite à un tel voyage transcendantal et sensoriel entrepris il y a désormais 13 ans de cela, la question se pose. Qu’est-ce que la promesse de quatre nouveaux films peut bien apporter ? Quelle est la suite logique de cette absolue expérience sensorielle sur Pandora ?

Ce qu’offre La Voie de l’eau, c’est une exploration des multiples facettes d’une quête de l’identité. La recherche du soi, ce dans toutes les strates qu’une telle réflexion peut amener.

Le premier film était axé entièrement autour de Jake faisant communion avec les principes de Pandora et d’Eywa pour retrouver un équilibre personnel. Ce nouveau film répartit ses thèmes sur l’ensemble du casting de personnages.

Il y a tout d’abord la présentation d’un cercle familial, qui permet de mettre en place le rapport à l’individu dans une communauté. Comment un chef de guerre au statut mythologique peut devenir un père. Comment ses fils doivent faire face à cette aura tout en trouvant leur propre place. Quitter un clan pour reconstruire une vie dans un nouveau. Ces divers aspects amènent chacun des membres de la famille Sully à faire face au conflit entre le soi et le paraître. Un paraître pour se conformer aux coutumes du peuple Metkayina, alors que c'est par l'acceptation du soi qu'ils feront pleinement partie du clan.

À un niveau plus profond, les deux principaux avatars de la quête d'identité sont incarnés par Quaritch et Kiri. L'un est un réceptacle de rechange manufacturé à qui l'on incorpore les données numériques (mémoire et personnalité) d'un homme de guerre. L'autre émane d’une naissance miraculeuse provenant de l’avatar de Grace après la tentative échouée de transférer son esprit dans le corps na’vi.

Le retour de Quaritch se montre ainsi comme une entité de contrepoint au récit sous un tout nouveau jour. Dans le premier film, il était la figure masculine et destructrice. La dualité avec Jake se construisait sous tous les aspects de sa caractérisation. Un mâle alpha au meilleur de sa forme, arborant fièrement ses cicatrices et maniant son massif exosquelette en extension mécanique de soi. De l’autre côté, un personnage paralysé des jambes recouvrant ses sens en se connectant à son avatar.

Dans la suite, Quaritch ressuscite dans un corps na’vi, mais le fait avec un rapport de domination par essence désincarné. Le parcours de son escouade fait de nombreux renvois visuels à la quête initiatrice de Jake. Mais comme souvent avec le cinéma de James Cameron, ce jeu de rappel en miroir injecte un sens et un ressenti entièrement nouveau. Même dans un contexte similaire, un être purement artificiel ne peut prétendre à une communion avec Pandora. Pourtant, la filiation avec un jeune garçon vient chambouler ce statu quo. Cette nuance amène un conflit interne où Quaritch ne cesse de valser entre le fait de se considérer comme une entité à part de son origine humaine ou bien être la continuité de son esprit passé. C’est dans sa relation avec Spider que les fissures de son être apparaissent et rendent le personnage plus passionnant qu’à ses débuts humains.

À l’autre bout du Spectrum, Kiri incarne quant à elle l’avatar au sens purement mythologique du terme. Sa synchronicité avec Eywa (la faune et la flore respirent autour de l’aura de la jeune fille) lui confère une expérience de transcendance dépassant les limites du corps. Des limites physiques qui agissent comme obstacles dans la démarche totale d’illumination. Les crises d’épilepsie forcent en effet à un violent retour au corps après une intense communion avec Eywa et la psyché du Dr Grace Augustine, à la fois mère et précédente incarnation de Kiri. À ce titre, James Cameron présente une fois de plus ses concepts d’histoire en repoussant du possible dans le langage cinématographique. Le premier film faisait accepter au public la technique de la performance capture en faisant piloter un nouveau corps à son protagoniste. La Voie de l’eau va plus loin en abordant ses concepts de réincarnation autant du point de vue du récit que de la technologie. Une symbiose parfaite du fond et de la forme qu’il est impossible et absurde de vouloir dissocier. Ainsi, Sigourney Weaver se voit offrir le challenge de jouer une adolescente de 14 ans. Cette méthode apporte une couche supplémentaire au personnage et sa recherche de soi, car l’héritage génétique est palpable et tangible par le jeu d’une actrice qui partage deux personnages ne faisant en réalité qu’un.

Kiri est la consécration de la démarche du film, et en elle réside la résolution spirituelle du récit. Parce que si elle n’est pas le moteur premier des péripéties et de l’action (la mission de revanche de Quaritch envers les parents Sully assumant ce rôle), elle en est la conclusion salvatrice. Comme en témoigne le climax du film enchainant les morceaux de bravoure (mêlant l’intensité du ventre de la fournaise de Terminator 2 et Aliens dans le contexte de l’épave coulante du Titanic). Le dernier tiers du film aboutit à un sauvetage guidé par Eywa/Kiri. Une séquence dont la beauté laisse éclater une émotion d’une force inouïe. La conséquence de thèmes entremêlés portés par les divers personnages et se réunissant dans la chaleur du cocon familial.

Le film peut alors se boucler sur le motif du cycle de la vie via ce bracelet à perle et cette chanson pouvant célébrer autant la naissance que la mort. Soit une communion profonde avec Eywa où l’esprit transcende la mortalité.

Il y a encore tant à dire. L’élévation du fils Lo’ak en futur Toruk Makto marin via son lien avec un Tulkun paria. Spider et le malaise de ne jamais pouvoir faire partie du peuple na’vi en étant coincé dans un corps humain. L’immersion toujours plus dantesque d’une 3D limpide grâce à l’usage du HFR délivrant une action si sidérante, qu’elle tient tout simplement du jamais vu à l’écran.

Il est bien difficile de mettre des mots sur l’ensemble de l’expérience sensoriel d’un film aussi dense que pourtant limpide que La voie de l’eau. Ces quelques lignes avaient cependant pour but d’y extraire une essence guidant toutes les autres facettes du film.

Avec deux films Avatar, le processus de transformation décrit y est l’éveil à la conscience du corps puis la recherche du soi. Si les suites continuent sur cette lancée philosophique, la voie de l’illumination au sein la saga de Pandora risque d’être d’une ampleur sans commune mesure.

Zhibou
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le 26 déc. 2022

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