La résurrection de Marvel ?
Alors que les passionnés s’insurgent depuis quelques temps de la pauvre qualité des comics Marvel (même si quelques séries sont à nouveau excellentes ces derniers mois et que l’univers va subir un relaunch intéressant en octobre 2012) et reprochent son rapprochement avec Disney (son rachat à coûté 4 milliards de dollars en 2009 à la firme aux grandes oreilles, c’est dire la poule aux œufs d’or que représente Marvel), « Avengers » vient de réalimenter nos boîtes à rêves que sont nos esprits. Joss Whedon vient de prouver que les super-héros avaient encore de beaux jours devant eux et qu’ils étaient encore capables de nous émerveiller.
Depuis la fin des années 1980, les deux grandes écuries que sont Marvel et DC dans le monde de la bande-dessinée américaine se sont éloignées par leurs approches scénaristiques et graphiques des super-héros. Sous la houlette de Frank Miller et de David Mazzucchelli (pour Batman), d’Alan Moore, de Dave Gibbons ou de David Lloyd (Watchmen et V pour Vendetta), DC a assombri les super-héros, les rendant fragiles, plus humains mais aussi en les plongeant dans un univers pessimiste où la débauche ne côtoie que la corruption : prenez le Londres vu par Moore et Lloyd ou Gotham City vu par Miller et Mazzucchelli. Cette orientation trouve aujourd’hui écho dans les adaptations de Batman par Christopher Nolan (celles par Tim Burton avaient déjà amorcé ce changement).
Marvel a pour sa part toujours gardé un univers plus coloré et plus optimiste. Si DC a tendance à sans cesse interroger ses super-héros sur le bienfondé de leur mission, Marvel part du constat qu’il y a du bon en chacun de nous et que l’humanité vaut la peine d’être sauvée. Les deux visions se valent et chacun de tous ces super-héros (qu’ils soient DC ou Marvel) ont eu leur moment de gloire, leurs joies et leurs peines. Ces deux paradigmes se retrouvent au cinéma : l’ambiance de « The Dark Knight Rises » ou le prochain Superman de Zack Snyder dont on vient de découvrir le trailer (DC) tranche avec celle de « Avengers » ou de « The Amazing Spider-Man » (Marvel).
Depuis les premiers X-Men et Spider-Man de Bryan Singer et de Sam Raimi (2000 à 2004), il n’y avait plus grand-chose à se mettre sous la dent du côté de Marvel au cinéma. Hulk, les Quatre Fantastiques, Ghost Rider, The Punisher, Thor, Captain America et d’autres ont tous été maltraités, à l’exception d’Iron Man porté par l’extravance de Robert Downey Jr et la bande-son d’AC/DC. Autant dire que cet « Avengers » était attendu comme le messie dans le paysage cinématographique. Salué par la presse, applaudi par les spectacteurs, le crossover Marvel tient toutes ses promesses.
La grande force du projet était de réunir un certain nombre de super-héros populaires : Hulk, Iron Man, Captain America ou encore Thor pour ne citer que les plus connus. S’il s’agit une nouvelle fois de sauver le monde après la capture du Cube Cosmique par Loki, il est bon pour nous de ne pas avoir à nouveau les origines de chaque super-héros. Enfin un film qui s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs. Ici, point de parents assassinés qui poussent un adolescent à devenir un super-héros. Ici, point de mutation génétique qui transforme un gringalet introverti en une puissante célébrité capable de sauver le monde. Le film part sur des acquis et ce n’est pas plus mal.
Sa seconde force est sans doute la présence derrière la caméra et au scénario de Joss Whedon. S’il fut certes le créateur de la série « Buffy contre les vampires », il est devenu aussi le scénariste de la série « Astonishing X-Men » pour le compte de Marvel. Autant dire que l’homme connaît l’univers Marvel et celui des Avengers sur le bout des doigts. Par conséquent, il construit admirablement bien les rapports entre les personnages. Difficile en effet de faire cohabiter des personnalités aussi complexes et antagonistes que Hulk, Iron Man ou Captain America pour les réunir autour d’une mission commune.
Chaque personnage trouve sa place, aidé en cela par de très bonnes performances. Si Robert Downey Jr confirme son talent pour incarner Iron Man, Mark Ruffalo est l’heureuse surprise pour Hulk, supplantant la prestation d’Edward Norton dans l’opus de Louis Leterrier. Même Chris Evans et Chris Hemsworth campent de bien meilleurs Captain America et Thor que dans leurs films précédents. La présence de Whedon en tant que réalisateur, et donc directeur d’acteurs, n’y est pas pour rien. Pour sa part, Scarlett Johansson est la touche charme du film en incarnant la Veuve Noire, pas le personnage le plus intéressant du film.
Visuellement, le film est splendide. Les trente dernières minutes sont assez exceptionnelles, notamment avec les plans-séquences hallucinants de Whedon entre les buildings de New-York. Il faut le voir pour le croire mais ce Hulk déchaîné ou sauvant Iron Man d’une chute mortelle m’a tout simplement sidéré. C’est joli et nous ne sommes jamais noyés dans une action qu’on aurait du mal à comprendre. Le film est fluide, tout passe très vite et les 142 minutes sont déjà finies. Un seul regret : l’absence de Spider-Man (je n’imagine même pas ce qu’aurait fait Whedon avec Spider-Man volant d’immeuble en immeuble dans New-York dans cette scène finale : l’extase visuelle aurait été complète !).
« Avengers » vient de prouver que l’univers Marvel n’a pas fini de nous éblouir quand il est confié à des personnes compétentes. Si les marvelliens purs et durs regrettent cette nouvelle politique éditoriale, le rapprochement des comics avec Marvel Studios n’est-il pas après tout salutaire ? Et si le septième art pouvait sauver le neuvième art ? C’est, pour moi, une perspective alléchante et porteuse d’espoir.