Il y a des révélations qui surprennent, qui bouleversent, qui changent la perceptive du monde dans ses fondements les plus profonds, comme quand l’homme a réalisé que la terre était ronde, que vous avez appris l’existence du Cacolac ou que vous avez découvert ce qui se cachait dans la culotte de la petite Charlotte. C’est une révélation de cette importance qui vous attends, quand, confortablement installé dans l’obscurité de votre cinéma favori vous allez doucement réaliser que le meilleur film de science-fiction des années 2010 est un dessins-animé, français, avec Marion Cotillard, enfin convaincante quand elle est incarnée par des dessins, dans le rôle principal. Et peut être le meilleur film d’action, aussi.


Dans un laboratoire perdu quelque part au milieu des étoiles de la campagne française nocturne, entre les animaux somnolant dans leur cage, des hommes de l’armée napoléonienne s’en prennent à un savant qui devait créer le sérum ultime, celui qui rendrait les hommes invincibles et permettrait à Napoléon de marcher sur la Prusse mais qui, au lieu de ça, a seulement réussi à faire parler deux petits lézards. Bizarre. Des coups de feu, une explosion, une veuve, un orphelin, Napoléon qui abdique et deux varans parlant en fuite plus tard, le cours de l’histoire changera à jamais.


Dans ce monde de l’histoire truquée, merveilleusement fascinant, étrangement captivant, les savants disparaissent mystérieusement les uns après les autres, l’humanité reste bloquée au stade du charbon et de la vapeur, sans pétrole ni électricité, plongée dans un épais brouillard vaporeux qui recouvre des paysages familièrement différents d’un épais manteau cotonneux grisâtre, brièvement transpercé de quelques rayons de lumière qui transcendent ces paysages maussades. La technologie prend un tournant différent aux conséquences identiques, drôlement cocasses, transformant le Paris de la belle époque des années 40 en ville rétrofuturiste aux petits boulons, débordant d’inventions architecturales et mécaniques intrigantes, dominée d’une double Tour Effel, gare d’immenses téléphériques à vapeur aériens suspendus au milieu du ciel. Une technologie épuisant toutes les ressources naturelles disponibles, éradiquant toute végétation, transformant quelques rares arbres restant en pièce de musée.


Dans ce monde de l’histoire truquée, Avril, descendante du savant qui en est à l’origine court toujours après la formule du sérum ultime qui va la conduire, elle, son chat parlant et un voleur à la sauvette dans une quête passionnante, pleine de découvertes, de rebondissements et d’émerveillements, qui l’amènera jusque dans un monde secret perdu au milieu d’une jungle verdoyante souterraine aux couleurs flamboyantes contrastant avec le monde grisonnant qui la surplombe. Une quête peuplées d’aventures ingénieusement débridées parsemées de nuages électromagnétiques malfaisants, de pigeons et de rats espions, de maisons sous-marins, de fusillades aux fusils lasers entre des varans parlants robotisés, de familles qui se déchirent, d’autres qui se retrouvent, de trahison, de haine et d’amour, mettant en scène des personnages plus attachants qu’un chewing-gum sous une semelle.


De la science-fiction intelligemment déjantée à dévorer avec vos yeux d’adultes et votre cœur d’enfant.

Clode
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le 5 nov. 2015

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