Bad Girl
3.2
Bad Girl

Court-métrage de Arnaud Khayadjanian (2015)

Comment j'ai découvert le fluo

La simplicité de la "mise-en-scène" tient ici à un choix de minimiser le propos, mais malgré tout le réalisateur veut éblouir par la pose blasée et écorchée à vif du texte, et fait éclater de partout un stylisme, bref un esthétisme qui se veut contemporain, mais surtout contemporain d'une certaine richesse au gout du jour: la mode techno rave des années 80-90 version cheap et do it yourself on ebay à la sauce mainstream , matinée de rêves de toits guerlain ou autre marque qui a repris cette image de beau criminel fuyant dans la nuit.


Le formalisme du cadre s'étirant est utilisé non pas comme dans un Mummy naïvement, mais ici comme pur jouet, et il en relève autant des petits tics qui bourrent le court. On est loin de la légèreté ou du réel drame, ou encore du conflit existentiel: ici on joue dans l'emphase visuelle avec des scènes de pseudo danse mal filmée ou simplement mettant en valeur la forme féminine.


On ne traite pas de l'image véhiculée par une femme, belle ou moche, en justifiant ce regard d'appropriation pure, qui nie l'autre comme être pour le réduire à une image et un objet, marchandise sur un marché de la séduction, par une caméra voyeuriste et lascive.


Car malgré tout, le court et ses ambitions humanistes échouent avant tout à traiter le thème, qui est déjà sujet à caution (le désir d'appropriation est en partie à l'origine des affects non pacifiés, donc de la passion, même si ce désir doit ouvrir au final à plus qu'une possession bien sur) car il exalte l'ennui et l'anxiété de rôles non dévolus seulement aux femmes "belles" mais aux femmes "moches", à toutes les femmes et aussi aux hommes parfois (mais moins évidemment, l'Inde ça te parle ?): le rôle est ici une image réduisant le monde au seul visible et à l'immédiat, dans une pure fonction antagoniste du "qui va gagner le grand jeu de la séduction".


Le jeu social est ici réduit à un travers solipsiste d'une jeune femme rêvant le monde depuis les toits parisiens, signe de sa domination réelle sur d'autres femmes (les pauvres, les moches, les vieilles, les intellos, les non caucasiennes, les malades et handicapées) et où elle joue clairement la surcharge de sens par la voix off,
procédé pédant comme le regard caméra si trop fier et trop gratuit. Cette femme ne nous adresse pas la parole, et ne peut nous parler non plus comme elle le dit elle même, mais parce qu'elle répand sa misère existentielle sur nous en la déversant dans un torrent de bonbons acidulés roses fluos.


On ne peut créer l'émotion forte seulement en mettant en contraste des forces opposées ou des forces harmonieuses, ou en touchant le narcissisme et l'égo identitaire d'un groupe: c'est là que le court marche, il répand un idéal de superficialité et non pas d'artificialité qui se sait telle, met en avant ce groupe bobo 2.0, pop culture à fleur de peau et femme enfant femme fatale, en présentant un syndrôme de l'infantilisation des identités, et du consumérisme de l'image, de la personnalité.


Bref, ça se touche en piquant l'esthétique en vogue et en présentant une femme potable selon les critères caucasiens franco bourgeois, culte de la maigreur et de la passivité, face à des bogoss caucasiens enfermés dans une cage qui l'ignore, avec des effets tirés de la pub et du marketing du corps. Seront touchés les naïfs, ceux qui ne se sont pas ouverts à beaucoup d'expériences, ceux qui idéalisent cette mode et ces traits culturels de l'eclectisme pimpant sous la dorure des grosses teintes saturé et cette classe de jeunes de la classe moyenne haute en perdition de repère, ceux qui ne relèveront que le style, ceux qui aime konbini, ceux qui ont troqué le sens esthétique contre le sens critique, ou les comme moi : aime ton ennemi !

Perferic
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le 19 mars 2015

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Perferic

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