League of Legends

Comment se fait-il que malgré la réception pour le moins mitigée de Man of Steel, tout l'internet se soit excité à l'annonce de la mise en chantier de Batman v Superman ? Que valaient les promesses d'un DCverse naissant et d'un duel au sommet entre les deux plus grands super-héros du monde quand Snyder était encore annoncé à la réalisation ? Pouvait-on franchement en attendre davantage que Man of Steel ? En fait, oui et non.

Débarrassé du parrainage un peu encombrant de Christopher Nolan et catapulté chef d'orchestre du tout nouveau DCverse, le réalisateur de 300 avait ici l'opportunité de faire de tout cet univers quelque chose de très personnel. Sauf que voilà, Snyder s'est un peu trop senti pousser des ailes, se prenant pour un super-auteur. Les premières bandes-annonces, qui se démarquaient des films Marvel par une esthétique censément plus mature, frôlaient l'auto-parodie la plus crasse : ou l'idée que se fait un simple faiseur d'un cinéma d'auteur exigeant et à gros budget. Film d'auteur : mode d'emploi (revu et corrigé par Kevin, 13 ans)

C'est bien là l'un des innombrables problèmes de Batman v Superman : Zack Snyder s'est laissé convaincre par les pontes de Warner qu'il est un grand cinéaste, et même ses projets futurs (dont, ne riez pas, une nouvelle adaptation de The Fountainhead, et un biopic sur George Washington) attestent de ce désir nouveau de toucher au chef-d’œuvre. Batou versus Supes fait beaucoup de bruit pour nous dire qu'il pense très fort, mais dans ce vacarme incessant, assourdissant et abrutissant (merci à Junkie XL, qui sans George Miller qui sut en tirer le meilleur, accouche encore d'une bande-originale indigeste à peine rehaussée par le chouette thème de Lex Luthor), rien ou presque ne se passe.

Il y a bien quelques éléments qui éveillent notre intérêt, comme cette façon de faire des deux personnages des super-enfants chamailleurs pour qui la femme de leur vie est encore leur mère. Entre deux mandales dans la gueule, ils ont l'air de se dire «On avait dit pas touche aux mamans, Lex ! ». L'un contre-balance assez adroitement l'autre, et quand Wonder Woman arrive en costume dans le dernier tiers du film, Batman a l'air de découvrir ce qu'est une femme. Snyder n'a d'ailleurs dès lors quasiment d'yeux que pour celle qui est la vraie super-héroïne bien badass du film… Un personnage néanmoins totalement dispensable dans cette histoire-là, tout comme les autres membres de la Justice League, rapidement aperçus pour lancer le DCverse, mais surtout très maladroitement intégrés dans un film à la construction scénaristique pour le moins brouillonne, voire indigente.

Après dix minutes d'entrée en matière très engageantes et bien aidées par un véritable effort de Snyder en ce qui concerne la 3D (pour rappel, Man of Steel était une immondice sans nom en la matière), le film s'enlise et enchaîne les moments embarrassants. Il faut voir Jesse Eisenberg gesticuler dans tous les sens et parler très très vite (c'est sa marque de fabrique) dans la peau de Lex Luthor : une prestation bonne pour les Razzie Awards alors qu'on attendait tellement plus de sa part.

Il y a des fulgurances dans ce film, mais par intermittence. Le final, par exemple, est un beau livre d'images. Il est d'ailleurs étonnant que certaines scènes d'action soient d'une réussite assez éclatante (bien qu'allègrement pompées sur les jeux vidéo Arkham) quand d'autres sont totalement illisibles (une course poursuite en Batmobile qui est l'une des pires choses vues dans un film Batman). Batman v Superman est une drôle d'excroissance, où plusieurs projets de films semblent se côtoyer, le moins passionnant étant l'origin story de la Justice League (la découverte, sur une clé USB, de la véritable identité de Wonder Woman, musique bien bourrine à l'appui, étant peut-être le moment le plus nul du film… à moins que ce soit ce long travelling avant où la caméra déraille accidentellement en cours de route, mais tant pis, on s'en fout, on laisse ça tel quel dans le film).

On ne peut reprocher à Warner Bros de tenter une approche différente du Film de Super-héros avec ces deux longs-métrages (Man of Steel et surtout Batman v Superman) qui, même lorsqu'ils sont sur des rails, dégagent un je-ne-sais-quoi de complètement opposé à ce que propose la concurrence. Mais pour contrebalancer le cinéma fast-food et télévisuel de l'écurie Marvel, Snyder tombe dans l'excès inverse. Là où son cinéma se croit mature (et trop Dark : Batman dit même « Merde » à un moment, haaaan !), en réalité il risque surtout de ne toucher qu'un public adolescent qui l'oubliera dans quelques années.

Cela n'augure bien sûr rien de bon pour le magnum opus à venir, Justice League, en deux parties, alors que George Miller aurait pu en faire un merveilleux film de deux heures il y a quelques années. Mais ne nous le cachons pas, de toute façon, on ira tous voir ça… Et c'est ça le plus triste?

PS : Ben Affleck fait un bon Batman, fin du débat.