C’est l’un des évènements majeurs de la pop culture en 2016 si ce n’est le plus important : Batman, à nouveau réinterprété, affronte Superman sur grand écran. Le choc des titans pouvant faire passer les rixes entre Avengers pour un combat de cour de récréation. C’est aussi un papier de base pas évident à écrire parce que les passions seront forcément déchainées, entre amateurs de Zack Snyder et haters en tous genres, entre fans des super héros les plus iconiques jamais créés et ceux qui s’en foutent royalement, préférant peut-être la Team Marvel.


Ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup de choses à dire sur Batman v Superman.


L’Aube de la Justice s’ouvre sur la mort des parents Wayne et la découverte de la Batcave par Bruce pour ensuite montrer le héros de Gotham vivant la destruction de Metropolis par Superman et Zod au milieu des témoins, voyant un immeuble plein de ses employés s’effondrer sous ses yeux dans un nuage de cendres post-11 septembre. Des motivations suffisantes pour que Batman s’interroge sur l’homme à la cape rouge.
De son coté, Clark Kent va s’interroger sur les méthodes du Chevalier Noir (ce qui est audacieux de la part de quelqu’un qui a rasé la moitié d’une ville et tué son nemesis d’un geste de la main…).
Au milieu, Lex Luthor va tenter de manipuler les deux héros, tout en s’intéressant à des technologies kryptoniennes.


Ce qui s’annonce comme un gros foutoir à la lecture de ce pitch -et qui en est un- commence plutôt bien. Il faut reconnaitre que la première heure du long métrage est dans ses grandes lignes réussie, surtout grâce à un Ben Affleck parfait autant en Batman qu’en Bruce Wayne. Le comédien est très à l’aise dans son personnage et son univers correctement représenté, de la Batcave à Jeremy Irons impérial en Alfred. D’ailleurs, les scènes d’action le montrant au combat sont elles même de bonnes facture, Snyder arrivant à jongler correctement entre baston à mains nues et utilisation des gadgets qui ont fait la légende du personnage. Tout n’est pas toujours très bien filmé mais l’univers mis en place de ce coté là donne envie d’en voir plus, d’autant qu’on nous propose un Batman âgé, qui a pas mal bourlingué, ce qui est montré par petites touches notamment à travers des plans d’un manoir Wayne en ruines, et dont l’histoire sera intéressante à suivre.


Dans le même ordre d’idée, Jesse Eisenberg campe un Lex Luthor très différent de l’original mais pas forcément inintéressant. Puisque le film se veut totalement contemporain et réaliste -au point d’ailleurs d’utiliser des célébrités dans leur propre rôle comme l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson- Luthor n’est plus un riche homme d’affaire froid et calculateur mais une sorte de Mark Zuckerberg sous acide dont la société ressemble à une startup géante dans laquelle les employés jouent au basket. L’acteur en fait peut-être un peu trop, au point qu’on se demande s’il n’a pas repris un peu de la folie du Joker. On peut aussi ajouter dans le même ordre d’idée que Gal Gadot fait autant le taf en Wonder Woman qu’Amy Adams en Lois Lane, les autres acteurs étant réduits au strict minimum.


Le premier problème vient de Superman. Snyder l’avait déjà montré avec Man of Steel, il ne comprend pas le personnage et ne sait donc toujours pas quoi en faire. Ses motivations de s’en prendre à Batman sortent d’un chapeau et le mec donne perpétuellement l’impression d’être totalement dépassé par ses pouvoirs, s’offrant le luxe de prendre des décisions sans aucun sens venant apporter quelques pierres instables à l’édifice bien branlant qu’est l’histoire du film. Certes, les thématiques abordées (autour du bien et du mal, de la notion de divinité…) sont intéressantes mais elles sont mal exploitées quand elles ne sont pas martelées à coup de gros sabots et des percussions insupportables de Junkie XL.


C’est d’ailleurs une décision que prend Superman qui sera le point de non retour du film. L’homme d’acier avait ses motivations pour affronter Batman et nous offrir le duel d’anthologie qu’on espérait mais tout est balayé d’un revers de la main. L’heure d’exposition vous avait plu ? Oubliez toute la partie concernant l’homme à la cape rouge, elle n’aura servi à rien. Heureusement, s’il ne capte que dalle à Superman, Snyder maitrise mieux le personnage de Batman et lui permet de tenir la longueur, même si ce dernier se perd parfois dans de la violence extrême (et létale) et utilise -dans une séquence de rêve débile au possible- une arme à feu comme si tout était normal. Au final, la raison définitive pour laquelle Batman et Superman s’affrontent n’a plus aucun sens. Vidée de toute sa substance, la scène se regarde donc avec une distance considérable et bien loin de ce qu’on pouvait fantasmer. C’est d’autant plus le cas que la pirouette scénaristique utilisée pour mettre fin au combat est d’une bêtise folle, à tel point qu’on se demande comment toute la team derrière Snyder a pu valider une aberration pareille.


Mais le pire est à venir puisque le dernier acte est le plus insupportable. Luthor -dont les motivations ne sont jamais exposées- crée Doomsday pour détruire tout le monde, obligeant Wonder Woman à entrer en scène et le spectateur à subir de nouvelles scènes de « destruction porn » (heureusement cette fois dans une zone inhabitée). Si Lex avait été retiré de l’équation, on aurait presque pu trouver le film sympathique. Mais il n’est finalement là que pour justifier un combat final qu’ont voulu les producteurs pour pouvoir introduire la Ligue des Justiciers. Pire, l’affrontement contre Doomsday est un infâme gloubiboulga numérique où le spectateur est tout simplement incapable de comprendre ce qui se passe à l’écran, et donc d’éprouver quoi que ce soit pour les protagonistes impliqués.


On peut reprocher plein de choses à Marvel Studios, notamment le fait de livrer des films copiés collés les uns sur les autres et sans originalité mais il faut dire que Kevin Feige n’a jamais perdu en chemin ce qui fait l’essence des personnages. Ici, on est face à une équipe (à l’exception de Ben Affleck qui a réécrit lui-même la partie concernant son personnage) qui a bien du mal à comprendre les personnages portés à l’écran. Il en ressort ici un film qui commence correctement mais qui s’effondre petit à petit, à cause d’un script très mal branlé et incohérent au possible faisant passer The Dark Knight Rises pour un chef d’œuvre d’écriture. C’est d’autant plus dommage que Batman est un personnage très bien fait, la meilleure version « live » depuis Michael Keaton.


Si vous voulez voir de belles rencontres entre Batman et Superman, préférez donc l’épisode The World’s Finest qui clôture la saison 2 de Superman The Animated Serie ou l’adaptation animée de The Dark Knight Returns.


Le choc des titans n’a pas eu lieu et ça n’augure rien de bon pour la suite

cloneweb
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le 24 mars 2016

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Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Kelemvor
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Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

Qu'on se le dise, Man of Steel était une vraie purge. L'enfant gibbeux et perclus du blockbuster hollywoodien des années 2000 qui sacrifie l'inventivité, la narrativité et la verve épique sur l'autel...

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