A la mémoire de l'Untermenschtum
Voici un film que je voulais découvrir mais pour lequel j’avais une appréhension assez forte. Un film russe, arrivé en direct dvd, sur un conflit qui a coûté une bonne vingtaine de millions de personne, ça sentait un peu le piège héroïco-patriotique, d’autant que le titre Battle for Honor allait aussi dans ce sens.
Quelques rappels peuvent s’imposer : le 22 juin 41 Hitler lance Barbarossa soit l’invasion de l’URSS ; la surprise est relative, tout le monde s’y attendait sauf Staline visiblement, les signes avant-coureurs étaient légions. Second truc à avoir à l’esprit, cette attaque n’est pas une guerre : c’est une opération visant à annihiler purement et simplement le système soviétique, l’URSS et ses habitants. Les ordres sont clairs : les massacres seront couverts, y compris de civils, les commissaires politiques et officiers devront être liquidés, aucune pitié. Troisième fait : la forteresse de Brest Litovsk a tenu un mois. Alors que l’Armée Rouge était pulvérisée et que les prisonniers étaient vite légion, les défenseurs de cette place se sont battus avec un acharnement qui donnera un avant-goût de Léningrad ou Stalingrad. Enfin, dernier point fondamental, après la victoire de 45, Staline a lancé une vaste purge, une de plus, contre les survivants accusés de trahison. Il fallu attendre la déstalinisation post 1953 pour ces hommes et femmes soient enfin réhabilités.
Alors ça donne quoi ? La sic pompeuse, les romances tragiques, les ralentis, certains gros plans sont assez lourds, parfois même presque grotesques. C’est plein d’emphase, ne manquent que les pancartes « maintenant pleure, c’est tragique ». Le soldat russe tire en faisant quasiment mouche à chaque fois, les gosses pareils. L’allemand lui est bien moins doué pour viser. La première heure est donc un assez médiocre, rarement fine. Tout ceci manque cruellement de finesse et on a l’impression de se retrouver devant une œuvre bien vieillotte et n’ayant rien appris des classiques récents made in USA comme La Ligne Rouge ou même les Band of Brother. Puis vient la seconde moitié du film. Et là, je bascule.
L’agonie est terrible. Cette citadelle résiste alors que tout est perdu. Ces types tentent de sauver des femmes qui se font étriller avec les gosses. Les Allemands sont des machines impitoyables, on peut trouver ça ridicule et hyper manichéen, mais ce serait oublier les ordres. Oui, nous ne sommes pas en Normandie. Oui, les Allemands sont là pour tuer en masse. La voix off qui nous accompagne nous rappelle que ces types ont été oublié dans leur propre patrie ; le film n’est plus un énième film de guerre mais un hommage à ces oubliés avec en plus une critique cinglante de cette URSS triomphante en 1945. Petit à petit je me suis rapproché du sentiment étrange qui m’a accompagné devant l’injustement méconnu Sobibor.
Battle for Honor est avant tout un film de mémoire. Non exempt de lourdeurs et de quelques facilités, il nous offre cependant un éclairage sur un épisode dramatique et méconnu. La seconde heure est largement au-dessus de la première, certaines séquences sont même excellentes. Les scènes de combats sont justement dures sans jamais basculer dans le grotesque. A découvrir donc, pour cette Untermenschtum, cette sous humanité désignée comme telle par les nazis en cet été 41 ...