Be Sure to Share
6.2
Be Sure to Share

Film de Sion Sono (2009)

Le visionnage de Be Sure to Share est douloureux. Non pas à cause de l'aspect dramatique du film, mais parce qu'il est réalisé par Sion Sono, réalisateur/poète que j'affectionne particulièrement.


Un cinéaste qui tente de sortir de sa zone de confort pour se confronter à un genre qu'il connaît mal est signe de bonne santé : ça prouve qu'il possède une volonté de se renouveler. Le problème est évidemment de savoir si cette confrontation créera quelque chose de personnel, ou effacera le cinéaste derrière un projet qu'il ne maîtrise pas. Be Sure to Share, que Sion Sono a voulu comme un mélodrame, fait partie de la première catégorie mais n'en a pas moins les tares de la seconde.


Difficile de croire que l'on a affaire au fameux réalisateur subversif et déchaîné derrière la caméra en voyant le long-métrage. Un calme et une certaine platitude se dégage de chaque plan, de chaque ligne de dialogue, et de cette balade à la guitare acoustique qui étouffe bien trop les images sous une couche d'artifices. Sion Sono a pour habitude d'extérioriser les états de ses personnages dans la forme de ses films, ce qui donne des œuvres intimes et bouillonnantes de créativité. Ici, ce principe d'extériorisation a toujours lieu : mais comme les personnages sont d'une banalité affligeante, la mise en scène en est contaminée.


Pourtant, au centre du film, il y a un thème on ne peut plus cher à Sion Sono : la famille, et plus particulièrement la relation au père. Si d'habitude la famille japonaise est décrite par Sion Sono comme une vaste blague, une construction sociale où tout le monde joue des rôles interchangeables et qui nécessite d'être dépassée pour que l'individu s'épanouisse, elle est ici le centre de gravitation sans lequel tout est perdu. Le personnage principal, ayant eu une relation conflictuelle avec son père autoritaire dans le passé, essaiera de dépasser son cancer pour se racheter, comme un bon fils. Une manière de se repentir pour le réalisateur, lui qui avait des relations si chaotiques avec ses parents ? Peut-être, mais ça ne rend pas la démarche plus pertinente.


Le film n'est malgré tout pas une catastrophe grâce à quelques séquences où l'on retrouve enfin la poésie de Sion Sono, comme celle, étonnante, où le fils pêche avec le cadavre de son père (malheureusement très vite psychologisée). Les motifs poétiques sont ici plus grossiers que d'habitude, comme en témoigne la mue de cigale, mais laisse malgré tout transparaître le regard du réalisateur que l'on avait perdu de vue. Surtout, Be Sure to Share a la décence d'être assez sobre pour ne pas être tire-larme (à part peut-être à la toute fin), se focalisant moins sur le potentiel dramatique de son récit que sur les thématiques qui lui sont associées, aussi conformistes soient-elles.


On comprendra donc que Be Sure to Share n'est qu'une parenthèse dans la filmographie de Sion Sono, dont il avait personnellement besoin (le film est dédié à son père) mais qu'il a bien fait de très vite refermer. Le bougre est loin de s'être assagi, et ne cessera de nous prouver par la suite qu'il est probablement l'un des plus grands cinéastes japonais.

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le 3 déc. 2017

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